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tendu que les Francs avoient réduit leurs nouveaux Sujets à une condition approchante de la servitude.

Il ne se passa neanmoins rien de semblable dans la Gaule, lorsqu’à la fin du cinquiéme siecle de l’Ere Chrétienne, & au commencement du sixiéme, ses Provinces passerent l’une après l’autre sous la domination de nos Rois.

Lorsque ce grand évenement arriva, il y avoit déja deux cens ans que les Francs, il n’importe de quelle contrée ils fussent originaires, étoient établis sur la rive droite du Rhin, donc le lit séparoit les Gaules d’avec la Germanie partagée alors entre plusieurs Peuples Barbares. Ainsi depuis deux siecles, la Nation des Francs habitoit donc un pays qui n’étoit séparé du territoire de l’Empire que par le lit de ce Fleuve.

Elle étoit dès-lors divisée en differentes Tribus confédérées ensemble par une alliance étroite, mais dont nous sçavons mal les conditions. Ce qui nous est mieux connu, c’est d’elles avoit son Roi ou son Chef particulier, qui ne dépendoit d’aucun des autres Rois, & qui très-souvent avoit interêt d’entretenir des liaisons avec l’Empire.

Les Romains d’un autre côté, avoient toujours fait leur possible depuis que cette belliqueuse Nation se fut une fois établie dans leur voisinage, pour entretenir la paix avec elle, & même pour avoir toujours avec ses Rois des Traités d’Alliance qui la rendissent en quelque sorte dépendante de l’Empire. On devine bien quelles étoient les raisons qui engageoient les Romains à rechercher l’amitié des Francs. La situation du pays qu’occupoient ces derniers, leur donnoit de grandes facilités pour faire des incursions sur le territoire de l’Empire, au lieu que tandis qu’ils étoient ses Alliés, ils lui tenoient lieu d’un corps d’armée avancé & campé au-delà d’une frontiere, afin de la couvrir mieux, puisqu’ils empêchoient les autres Barbares de venir se poster sur la rive droite du Rhin, & d’y épier le moment de tenter avec succès le passage de ce fleuve, la barriere des Gaules, qui le regardoient comme le salut de leurs Provinces. Rome avoit propos de prendre pour limite ce grand fleuve, quoiqu’elle eût porté quelquefois ses armes victorieuses au-delà du Véser, & même au-delà de l’Elbe. D’ailleurs, les Romains tiroient de la Nation dont nous parlons des soldats braves, & qui devenoient en peu de tems de bons Officiers. Aussi non-seu-