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suivant mon opinion, parce qu’il s’étoit trouvé plusieurs Saxons parmi les Germains que Probus avoit transplantés dans cette Isle vers l’année deux cens soixante et dix-huit. Probus remporta de grands avantages dans ce tems-là, sur plusieurs Nations Germaniques qui s’étoient emparées d’une partie des Provinces Septentrionales des Gaules, & les Soldats Romains firent dans cette occasion un si grand nombre de prisonniers de guerre, que les Captifs ne se vendoient plus à la fin de la derniere campagne que sur le pied d’un sol d’or pour chaque tête de Captif. Je traduis ici Vopiscus, en supposant que dans le commerce d’Esclaves qui se faisoit alors, il se pratiquoit quelque chose d’approchant de ce que nous allons voir dans la levée de la Capitation, où l’on ne comptoit plusieurs personnes que pour une seule tête.

On aura introduit cette fiction dans le Négoce pour faciliter le payement du droit qui se levoit sur la vente des Esclaves. Je crois donc qu’on en usoit alors dans ce Commerce, comme on en use aujourd’hui dans le Commerce qu’on fait des Esclaves Négres, où l’on compte par piéces d’Inde, ou par têtes fictives, parce qu’elles sont composées souvent de plusieurs têtes réelles. Un homme sain & dans l’âge viril, fait seul une de ces piéces d’Inde, mais il faut plusieurs personnes pour en composer une lorsqu’on vend des Femmes, des Enfans ou des Vieillards. Il est vrai que le passage de Vopiscus semble pouvoir signifier que Probus donnoit un sol d’or à ses Soldats pour chaque tête d’ennemi qu’ils apportoient, & qu’il en usoit comme on en use encore aujourd’hui dans les armées Turques. Mais je ne me souviens pas d’avoir rien lû qui suppose que cet usage si opposé à l’esprit de la Discipline Militaire des Romains qui punissoient le Soldat qui s’étoit trop avancé, presque aussi séverement que le soldat qui avoit fui, ait jamais eu lieu dans leurs armées. Quoiqu’il en soit du sens de l’endroit de notre passage dont il vient d’être question, il est certain que Probus dans l’occasion dont il a été parlé, fit un grand nombre de Captifs dont il enrôla une partie dans ses troupes, & dont il envoya l’autre, suivant Zosime, en colonie dans la Grande-Bretagne. Nos Germains s’y établi-