Page:Dubos - Histoire critique de l'établissement de la monarchie françoise dans les Gaules, Tome I, 1742.djvu/124

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

On ne voyoit point alors le premier Officier Civil d’une Province aller au-devant d’un Géneralissime de la Cavalerie, ni souffrir que ce Militaire prît aucune connoissance des affaires Civiles. Enfin, tous les Officiers Militaires & tous les autres portoient respect aux Préfets du Prétoire comme aux premiers Officiers de l’Empereur. »

Si quelquefois il est arrivé qu’un des Successeurs de Constantin ait jugé à propos de confier à ses Officiers le Pouvoir Militaire et le Pouvoir Civil, dans la même Province ; cette disposition quoique conforme à l’ancienne administration, a cependant été regardée comme une nouveauté. On l’a remarquée comme une chose extraordinaire. Ammien Marcellin ayant dit que Procope le tyran, avoit conferé le Proconsulat d’Asie à Hormisdas avec la faculté d’exercer à la fois dans sa Province le Pouvoir Civil et le Pouvoir Militaire ; cet Historien croit devoir avertir que cette disposition conforme à l’ancien usage, étoit contraire à l’usage actuellement suivi ; & il en avertit.

Suivant la façon de penser des Romains, qui croyoient que la profession des armes dût ceder le pas à la dispensation des Loix, la Dignité de Préfet du Prétoire étoit encore après Constantin la Charge la plus éminente que l’Empereur conferât pour un tems illimité, & ceux qui s’en trouvoient revêtus, devoient quoiqu’on leur eût ôté le Commandement des Troupes, préceder dans l’occasion les Generalissimes de leurs Diocèses. Néanmoins il n’est pas étonnant qu’environ soixante ans après le nouvel établissement fait par Constantin, c’est-à-dire, à la fin du quatriéme siécle, tems où Ammien Marcellin avoit la plume à la main, les Officiers Civils eussent perdu une partie de la considération, & peut-être une partie du pouvoir qui leur étoit dû suivant les régles. Il est comme impossible que deux Officiers qui ne sont point subordonnés l’un à l’autre, & dont l’un représente dans un département le Souverain comme Chef de la Justice, quand l’autre l’y représente comme le Chef des Troupes, n’entreprennent point chacun sur les fonctions de son Collegue, ou plûtôt de son rival politique. Or ce qui arrive le plus ordinairement, c’est que les Officiers Militaires qui sont les plus audacieux et les plus forts, usurpent, sur tout dès qu’ils sur-