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trouvent aujourd’hui abandonnées par leurs Habitans & changées en solitudes. »

J’ajouterai au récit de Zosime ce que nous apprenons d’autres Historiens ; c’est que Constantin cassa non-seulement les Cohortes Prétoriennes, mais qu’il fit encore démanteler du côté de la Ville le Camp entouré de murs qu’elles avoient à Rome, afin que les nouveaux Corps qu’il mettoit sur pied, et dont nous parlerons ci-dessous, n’eussent plus leur habitation ordinaire dans une même enceinte, où ils ne seroient point mêlés avec les autres Citoïens.

Ce n’est point à nous à juger entre Constantin et Zosime, ni à prononcer si l’Empereur eut raison de faire ce qu’il fit, ou si l’Historien a raison de le reprendre. Quoiqu’il en fût, voilà l’origine de l’usage de partager les fonctions de Lieutenant du Prince dans un même district, entre deux Représentans, à l’un desquels le prince confie l’épée de la guerre, tandis qu’il confie à un autre l’épée de la justice & le maniment des finances. Avant Constantin aucun Empereur Romain n’avoit séparé le Pouvoir Civil du Pouvoir Militaire, afin de ne les confier dans le même district qu’à deux Officiers differens. On peut douter même qu’aucun Roi étranger l’eût fait.

Je crois donc qu’il est à propos de dire ici d’avance, que l’usage de séparer l’autorité Souveraine comme en deux branches ; sçavoir, celle du Pouvoir Civil, et celle du Pouvoir Militaire, continua d’avoir lieu dans la Monarchie fondée en Italie par Theodoric Roi des Ostrogots. On voit par plusieurs endroits de Procope, que nous rapporterons quand il en sera tems, et par d’autres Auteurs[1], que cet usage y fut maintenu. Mais je crois devoir dire aussi par anticipation, que l’usage dont il s’agit, fut abrogé dans les Gaules par Clovis & par ses Successeurs, lorsqu’ils se furent rendus maîtres de cette grande Province de l’Empire. Il sera facile aux Lecteurs d’observer en lisant la narration de plusieurs faits qui seront rapportés dans la suite, que sous ces Princes les Ducs & quelques autres Officiers Militaires se mêloient des affaires purement Civiles, et principalement des affaires de finances. Il étoit naturel qu’à cet égard nos Rois Mérovingiens suivissent l’usage de leur nation, qui ne connoissoit point la métode de partager l’autorité Souveraine entre deux Représentans dans une même Contrée. Si cette séparation de l’un & de l’autre Pouvoir a lieu aujourd’hui dans les Gaules, c’est qu’elle y a été

  1. Cassiod. variar. tit. 6. n. 3.