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bataille aux Bretons insulaires, avoit placé, contre l’usage ordinaire, les Légions en seconde ligne, et les Cohortes auxiliaires en premiere ligne, il ajoute à sa narration : « Suivant cet ordre de bataille, les Légions étoient à portée de soutenir les Cohortes, supposé que les Cohortes fussent battuës & si elles battoient l’ennemi, Agricola remportoit la victoire sans qu’il y eût eu une goute du sang Romain répanduë dans l’action. »

Comme les Cohortes auxiliaires n’étoient point réünies en forme de Corps militaire, ainsi que l’étoient les Cohortes qui composoient les Légions, et comme d’un autre côté les Soldats des Cohortes auxiliaires qui n’avoient pas les droits de Citoïen Romain, ne pouvoient pas prétendre d’avoir voix dans l’élection d’un Empereur, on voit bien qu’elles étoient réduites à suivre l’impulsion des Légions avec qui elles campoient. En effet, je ne me souviens pas d’avoir vû dans l’Histoire des Révolutions survenuës dans l’Empire Romain par la révolte des armées, que les Cohortes auxiliaires ayent jamais commencé la révolte, ni qu’elles l’ayent jamais empêchée.

Il arrivoit quelquefois que des armées qui servoient dans des provinces differentes, se conféderassent l’une avec l’autre. A quelque distance qu’elles fussent, elles se regardoient dès-lors comme associées, & les interêts de l’une devenoient les interêts de l’autre. Le sceau de cette confédération étoit, deux mains d’argent ou d’un autre métail, qui se serroient l’une l’autre, & que les armées associées s’envoyoient réciproquement comme un gage de leur union. Si plusieurs des Empereurs ont eu sujet de se loüer de ces liaisons que les armées prenoient entr’elles ; s’ils ont fait mettre sur leurs Médailles la figure des deux mains jointes ensemble qui en étoient le symbole avec la Légende, la Concorde des Armées, pour marquer que cette union avoit été cause de leur élévation, ou qu’elle faisoit leur sûreté, plusieurs de ces Princes ont été les victimes de ces dangereuses confédérations. Enfin les Troupes faisoient dans l’Empire Romain comme une République à part. Leurs Camps étoient un Etat dans un autre