Page:Dubos - Histoire critique de l'établissement de la monarchie françoise dans les Gaules, Tome I, 1742.djvu/107

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

quelques-uns de ses Successeurs, d’avoir en même-tems trois Préfets du Prétoire au lieu de deux. Cette précaution n’empêchoit pas néanmoins que les Officiers dont je parle ne se servissent assez souvent contre le Prince de l’autorité qu’il leur avoit confiée. Dans les trois siécles écoulés depuis qu’Auguste eût donné une forme certaine à l’Empire Romain, jusqu’au regne de Constantin Le Grand, il y eut dix Empereurs assassinés par les menées des Chefs des Cohortes Prétoriennes, dont plusieurs s’assirent eux-mêmes sur le Trône de leur Maître et de leur Bienfaicteur.

Les Officiers que l’Empereur envoyoit dans les Provinces pour les gouverner, & qui recevoient les ordres du Prince par le canal du Préfet du Prétoire, étoient aussi, comme nous venons de le dire, revêtus du Pouvoir civil & du Pouvoir militaire. Il est vrai qu’il y avoit des Provinces qu’on appelloit armées & d’autres désarmées, parce qu’il y avoit toûjours dans les premieres un Corps de Troupes destiné à n’en point sortir, au lieu qu’il n’y avoit point un pareil Corps de Troupes dans les dernieres ; mais l’Officier qui gouvernoit les Provinces désarmées ne laissoit pas de commander quelquefois les Troupes qu’on y faisoit passer dans le besoin. C’est ce qui arrivoit quand le besoin n’étoit pas tel qu’il fallût envoyer dans cette Province un Officier d’un grade superieur à son Gouverneur ordinaire.

Depuis le regne de Tibere il n’y avoit dans les Gaules que deux Provinces qui fussent véritablement des Provinces armées, la Germanie superieure et la Germanie inferieure. Les autres étoient originairement des Provinces désarmées, inermes Provinciae, ou elles étoient devenues de cette condition-là, quelque titre que l’on continuât de donner à leurs Gouverneurs. Rien ne seroit plus inutile que de faire ici le recensement de ces dernieres, parce que leur condition a varié à plusieurs reprises, et qu’il n’est ici question que d’expliquer l’état des choses immédiatement avant Constantin.

Sans être trop versé dans la politique, on voit bien qu’il étoit facile aux Gouverneurs des deux Provinces Germaniques, comme aux Gouverneurs des autres Provinces armées, qui chacun dans son district faisoient à la fois les fonctions de General, de Juge & d’Intendant, de se soulever contre le Prince, & de se faire proclamer Empereur. Il est aisé à un Officier qui exerce ces trois fonctions de se faire aimer en