tières qui ont le privilège d’être tes serviteurs exclusifs, qui vivent pour toi et par toi, uniquement — les Somonos ou Bosos. De jolis noms, n’est-il pas vrai ? Point n’est besoin de connaître les nombreux idiomes qui se parlent du nord au sud des pays nigritiens pour deviner que ces mots sonores ne désignent pas des marchands de vieux habits !
Une légende enveloppe leurs origines, que les anciens d’entre eux ne manquent pas de raconter. Les Bosos ne sont pas originaires des pays du Niger. Ils seraient seulement la première de ces grandes immigrations de peuples que vit, à travers les siècles, l’Occident africain.
« Nos ancêtres vinrent des grandes montagnes dans l’Est », disent-ils. Sont-ce les montagnes d’Abyssinie ? S’agit-il des monts qui encaissent le Nil moyen ? Ils ne savent. Toujours est-il que leur type ne rappelle en rien les types clairs de l’Orient africain, et qu’ils sont aujourd’hui aussi noirs que les aborigènes du Soudan.
Ce que leur tradition a conservé de précis, c’est qu’en ce temps-là leur vie était tout aquatique déjà. Ils pêchaient et naviguaient pour le roi du pays, semblant avoir été quelque chose comme des serfs de la couronne. Aujourd’hui encore, les populations soudanaises ne les regardent pas comme faisant partie des peuples libres.
Donc, ils pêchaient et naviguaient sur les fleuves de leur pays. Le souverain voulut, un jour, les obliger à lui bâtir des maisons et construire des ponts. C’était là une tâche étrangère à leur caste, une tâche d’esclaves, selon eux, et qui leur répugnait. Aussi se vengèrent-ils en offrant au roi une tortue empoisonnée dont il mangea et mourut. Pour échapper à la vengeance, ils prirent la fuite sur leurs embarcations et les emmenèrent toutes, afin d’empêcher la poursuite. Ils suivirent ainsi des fleuves et des fleuves encore, et de rive en rive arrivèrent au Niger qui, selon eux, coulait alors vers le nord.