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TOMBOUCTOU LA MYSTÉRIEUSE

route… Cette idée effrayante pour un homme qui, par ce malheur, eût laissé sans secours, sans ressources, une sœur qu’il adore, me traça ma réponse : je refusai tout arrangement, et dussé-je mourir, je voulus au moins laisser à l’amie de mon enfance une propriété incontestable : le mérite d’avoir tout fait par moi seul. »

Tandis qu’on lui refusait 6.000 francs, l’Angleterre dépensait 18 millions en tentatives de pénétration sur la côte occidentale d’Afrique ! Il se rend alors dans la colonie anglaise de Sierra-Leone, dont le gouverneur, le général Charles Turner, ne manque pas de s’intéresser à lui. Au lieu de l’emploi ridicule qu’on avait offert à ce Français dans une colonie française, il obtient la direction d’une fabrique d’indigo, et un traitement de 3.600 francs. Il aurait peut-être réussi à obtenir également les 6.000 francs de son voyage, mais le gouverneur lui objecte très judicieusement (en tant qu’Anglais), que le major Laing est déjà en route pour Tombouctou et qu’il ne faut pas tenter de lui arracher la gloire d’arriver le premier.

Cependant Caillié a fait 2000 francs d’économies. Ce refus ne l’affecte plus. Ayant repris le costume maure, il convertit ses économies en pacotille et se met en route (1827). Il a trop peu de marchandises pour se donner comme commerçant, selon son plan primitif. Il se compose donc un nouveau prétexte et raconte sur son chemin : « Je suis né en Égypte de parents arabes. J’ai été pris enfant par des Français faisant partie de l’armée qui était allée en Égypte, et emmené comme esclave en France. Mon maître m’a ensuite conduit au Sénégal pour l’aider dans son commerce, et satisfait de mes services, m a affranchi. Libre maintenant d’aller où je veux, je désire naturellement retourner en Égypte pour y retrouver ma famille et reprendre la religion musulmane. » Ses prévisions se réalisent. Grâce à sa connaissance de l’arabe, de la mimique et des prières du culte musulman, grâce à la fable de