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L’EUROPE ET TOMBOUCTOU

coin de ce mystère qui la passionnait de plus en plus, comme en témoigne une résolution de la Société de Géographie de Paris qui avait fondé un grand prix de 10.000 francs destiné au premier visiteur de Tombouctou.

Voyez la malice des choses, ou, si vous voulez, les voies de la Providence. Mungo-Park et Laing partent accompagnés de tous les vœux et encouragements de leur patrie, disposant de sommes considérables, riches en cadeaux et en marchandises, pourvus d’escortes, — et ils échouent. La réussite est réservée à un humble, à un abandonné, qui dispose de moyens dérisoires, de petites économies, qui a été repoussé et bafoué par les représentants de sa patrie et qui trouve à peine une main amie à serrer, au moment de se mettre en route.

Dans la galerie des explorateurs, la figure de René Caillié est une des plus caractéristiques. Je veux donc en dessiner un peu plus nettement les contours. Non pas seulement parce qu’il fut Français, mais parce qu’il fut un homme. Ses traits sont de ceux qui méritent de rester dans les mémoires. Les voyageurs du temps présent mettent parfois un empressement intempestif à se parer du nom d’explorateur. Caillié est un de ceux qui portèrent le plus dignement ce beau titre : sa vie est un utile rappel à la modestie.

Lui-même nous a raconté en toute simplicité ses origines et sa vocation : « Je suis né en 1800, à Mauzé, département des Deux-Sèvres, de parents pauvres. J’eus le malheur de les perdre dans mon enfance. Je ne reçus d’autre éducation que celle que l’on donnait à l’école gratuite de mon village. Dès que je sus lire et écrire, on me fit apprendre un métier dont je me dégoûtai bientôt, grâce à la lecture des voyages qui occupait tous mes loisirs. On me prêta des livres de géographie et des cartes : celle de l’Afrique où je ne voyais que des pays déserts ou marqués inconnus, excita plus que toute autre mon attention. Enfin ce goût devint une passion pour laquelle je renonçai à tout. »