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TOMBOUCTOU LA MYSTÉRIEUSE

tance de Dieu, et Dieu me faisait toujours la grâce de m’éclairer ».

Les anciennes histoires du Maroc citent maint autre trait intéressant. L’auteur du Bedzl-el-Mouasaha rapporte ce propos de Ahmed Baba : « De tous mes amis j’étais celui qui avait le moins de livres et cependant quand vos soldats m’ont dépouillé on m’a pris 1,600 volumes. »

Le Nozhel el Hadi nous montre d’autre part le courage et la fierté du cheik nègre. « Lorsqu’après avoir été rendu à la liberté, Ahmed Baba se présenta au palais d’El Mansour, le sultan lui donna audience en se tenant derrière un rideau : Dieu a déclaré dans le Koran, lui dit le cheik, qu’aucun être humain ne pouvait communiquer avec Lui caché derrière un voile. Si tu as à me parler, viens vers moi et écarte ce rideau. » El Mansour s’approcha après avoir relevé le store, et Ahmed Baba lui dit : « Qu’avais-tu besoin de saccager mes biens, de piller mes livres, de me faire enchaîner pour m’amener au Maroc ? À cause de ces chaînes je suis tombé de mon chameau et me suis cassé la jambe. » — « J’ai voulu, répondit le sultan, faire l’unité du monde musulman, et comme tu es l’un des représentants les plus distingués de l’Islam dans ton pays, ta soumission devait entraîner celle de tes concitoyens. » — « Pourquoi, dans ce cas, n’avoir pas fondé cette unité avec les Turcs de Tlemcen et autres, plus proches de toi ? » — « Parce que le Prophète a dit : Laissez en paix les Turcs tant qu’ils vous laisseront tranquilles. » — « Cela a été vrai pour un temps, répliqua Ahmed Baba, mais plus tard Ibn Abbas n’a-t-il pas dit : Ne laissez point en repos les Turcs mêmes s’ils ne s’occupent pas de vous. » En entendant ces mots El Mansour se tut, et, ne trouvant rien à répondre, mit fin à l’audience.

Quoique libre, Ahmed Baba continua à demeurer au