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TOMBOUCTOU LA MYSTÉRIEUSE

en maison offrir ses services, portant des échantillons, indiquant des prix. Et comme je demandais le nombre de ces spécialistes : « Ils sont une centaine, me répondit-on, qui exercent la profession de père en fils. Mais, en somme, tout le monde est courtier à Tombouctou, même les femmes et les enfants. »

Quand il a les capitaux nécessaires et qu’il voit le moment propice, le Tombouctien ne dédaigne cependant pas de faire des opérations pour son propre compte. Mais ses spéculations ont tout à fait le caractère de nos spéculations de bourse. certaines époques de l’année, quand ont lieu les grands arrivages, les gens riches accaparent les produits de première nécessité, comme le sel, les céréales et les étoffes, et en font singulièrement monter le prix jusqu’au moment où quelque agent leur signale l’approche d’une caravane ou d’une flottille. Ils achètent également des lots de karité, de kolas, d’oignons et autres vivres et les font offrir au détail sur les marchés et à travers la ville par les enfants et les captives.

De même que la spéculation, la fraude et les falsifications sont connues à Tombouctou de longue date. Un vieil écrit du temps d’Askia le Grand leur consacre plusieurs pages et dénonce notamment l’usage des faux poids et des fausses mesures, le mélange du cuivre à l’or vierge et à l’argent ; la poudre d’or alourdie par des matières diverses ; le soufflage de la viande, le baptême du lait, etc.

On conçoit que les grandes maisons de commerce du Maroc, du Touat, de Ghadamès, aussi bien que de Dienné et de Sansanding, se soient affranchies de l’onéreux intermédiaire du Tombouctien. Les unes et les autres ont en effet possédé de tout temps des immeubles leur appartenant. Un représentant y est installé, quelque parent ou un esclave de confiance, dont on vient annuellement vérifier les comptes et contrôler l’inventaire. Enfin des négociants du nord comme du sud viennent s’installer eux-mêmes à demeure à Tombouctou et se retirent