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DE DIENNÉ À TOMBOUCTOU

Kabara de Tombouctou. J’aurais donc pu atteindre la ville mystérieuse peu d’heures après mon débarquement.

Quelque impatience qui me tint, je n’ai pas voulu l’aborder ainsi, harassé et fourbu, sous l’influence de l’inévitable réaction qui suit un effort prolongé. J’ai demandé au repos de rétablir l’équilibre dans mon organisme, afin de jouir tranquillement, sainement, pleinement, du spectacle après lequel je cours depuis de longs mois. Voir Tombouctou ! C’est un rêve que Je faisais déjà sur les bancs du collège. Il va devenir une réalité. Soyons épicurien. Pas de gloutonnerie inconsidérée. Sachons savourer. Du haut du fort, m’a-t-on dit, vous pouvez apercevoir la ville. Je n’y suis pas monté. Je veux aussi savourer tout entière la première impression de l’arrivée, sans qu’elle ait été déflorée par une vue même microscopique.

Une après-midi J’ai enfourché une brave mule, un vrai fauteuil à roulettes. Mon bagage agrémente quelques bosses de chameaux. Trois heures : un clairon sonne, la ville s’agite et secoue sa sieste. Des paquets de gens, d’ânes et de chameaux accourent vers la petite esplanade en avant du fort, d’où sort bientôt un piquet d’une vingtaine de tirailleurs, le fusil sur l’épaule.

C’est l’heure où part quotidiennement le convoi. Sur ces 8 petits kilomètres on ne peut circuler à sa guise comme sur les 500 kilomètres de la route de Kayes au Niger. Il faut cheminer sous escorte. Le trajet n’est pas sûr, pour court qu’il soit. Vous devinez le motif : les Touaregs, toujours ! Il y a dix jours ces brigands ont encore attaqué des gens isolés et les ont dûment pillés et tués.

En avant pour le Sahara ! La foule des voyageurs pour Tombouctou s’avance autour des tirailleurs dans un pittoresque brouhaha. Chacun porte ou pousse quelque chose. Les enfants houspillent de malheureux petits ânes tellement surchargés qu’on aperçoit à peine leurs oreilles, et qu’ils semblent des paquets automobiles. Les hommes armés de lances et de fusils