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DE PARIS AU NIGER

m’attend. Je retrouve bagages, porteurs, cheval, et par-dessus le marché une aventure singulière.

« J’étais tombé sur un cheval blanc. Je dis « tombé » car certes je ne l’aurais pas acheté avec une pareille robe. L’administration de la colonie l’avait mis à ma disposition. Un cheval blanc ! Quelle affaire… La guigne, ainsi que chacun sait ! La guigne pour tout le voyage… Comment conjurer le péril imminent ? Dame Providence s’est obligeamment chargée de me venir en aide, par une de ces voies secrètes qui sont les siennes.

« À Kayes je m’étais aperçu, heureusement à temps, de la disparition de mon tapis de selle. Je courus toutes les boutiques — ce qui ne fut pas long — et je n’en trouvai pas, pour l’excellente raison qu’en ces pays neufs on ne trouve jamais ce dont on a besoin et qu’on ne peut compter que sur soi-même. Il fallut me rabattre sur une des couvertures quelconques que l’on vend aux nègres. Je la choisis dans les prix doux, rouge, bien moelleuse aux reins du dada. Celui-ci était venu en wagon Jusqu’à Bafoulabé, mais le Decauville ne pouvant le transporter de même jusqu’à Dioubéba, je l’envoyai par la route tandis que moi-même j’utilisai encore le petit chemin de fer : 45 kilomètres à cheval sont toujours bons à éviter quand on en a encore quelques centaines en perspective ! Il faisait nuit quand le train miniature pénétra sous la voûte de verdure qui sert de hall et de gare à Dioubéba. Tout le monde était gîté. Mon cheval broutait. Rien d’anormal.

« Mais le lendemain matin, au moment de me mettre en route, et d’enfourcher ma monture pour la première fois — que vis-je ? Au lieu d’un cheval blanc, un coursier écarlate… Imagine-t-on ma joie ? C’était évidemment le doigt de Dieu qui l’avait ainsi transformé — aidé de la chaleur, de la sueur et de la couverture pour nègres. Me voilà plein de confiance pour la suite de mon voyage.