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TOMBOUCTOU LA MYSTÉRIEUSE

continuant à arriver nombreux et à s’écouler, lentement, ces déversoirs deviennent insuffisants. Et les terres, que ne protège aucune digue, se trouvent envahies.

Le Dienneri offre alors le même spectacle et impose le même genre de vie que la vallée du Nil, en temps d’inondation : les villages des agriculteurs émergent de la nappe d’eau lointaine comme les villages de fellahs. Comme eux, bâtis en pisé blanc gris sur des monticules plus ou moins artificiels, ils alternent à l’horizon avec les sommets chevelus des palmiers. En même temps que la terre, ont disparu les chemins, et aussi le cours et les berges des canaux et marigots. Pas de chaussées pour les communications. On circule de village à village en pirogue. La vaste plaine est devenue une vaste mer semée d’îlots grisâtres et de touffes vertes.

Les eaux se retirent en novembre. Le riz, la grande céréale de la région, été planté aux premières pluies précédant l’inondation. On le récolte quand les eaux s’en sont allées. Aussitôt, dans le sol encore humide et facilement travaillable on prépare une seconde moisson, de mil ou de maĩs cette fois. Telle est l’admirable fécondité du sol que, coup sur coup, sans repos, on peut lui demander deux récoltes.

« Le Dienneri a été comblé des biens de la fortune, dit la vieille chronique. Les marchés s’y tiennent tous les jours de la semaine et la population est très nombreuse. On compte sept mille villages. Ils sont si rapprochés les uns des autres qu’ayant à transmettre un ordre jusqu’au lac Débo, par exemple, le chef de Dienné n’expédie pas un messager, mais fait crier l’ordre à la porte de la ville : de village en village les hommes se répètent le message qui parvient sur l’heure. »

En cette terre d’or, plusieurs canaux naturels se rencontrent, et au lieu de leur rendez-vous, détachent de la plaine une véritable île.