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TOMBOUCTOU LA MYSTÉRIEUSE

tants de l’Islam. Et cette qualité uniquement a déterminé leurs jugements excessifs. L’épisode est intéressant. Il nous montre, dès cette époque, la religion musulmane s’immisçant, acerbe et vengeresse aux choses étrangères. Elle était peu puissante alors, ses racines n’étaient pas profondes dans le pays. Lorsqu’elle sera devenue forte, nous la retrouverons souvent encore dans ce rôle, devenant à ce moment le facteur d’événements considérables et des plus funestes.

Le grand grief des marabouts contre le Conquérant est une tiédeur religieuse qu’il affectait très caractéristique : «Il prenait une liberté grande avec la religion, raconte le Tarik. Les cinq prières que tout bon musulman doit dire entre le lever et le coucher du soleil, il les renvoya d’abord à la nuit ou les remettait au lendemain. Ensuite, il prit l’habitude de prononcer leurs divers noms seulement. Finalement il avisa de simplifier encore ces négligences. Faisant une seule invocation au nom de Dieu, il ajoutait aussitôt : « Prières, vous vous connaissez les unes les autres. Que chacune prenne donc ce qui la concerne dans mon invocation. »

Un opuscule soudanais, qui a pour auteur El Mouchéili, un grand savant de Tlemcen dont nous parlerons plus tard, explique longuement l’origine de ce scepticisme et donne un aperçu des mœurs de l’époque. Il nous permet de voir où en était l’Islam à la fin du xve siècle dans ces pays : les classes élevées seules étaient ralliées à la religion de Mahomet, et sans grande conviction, puisque l’idolâtrie n’était pas proscrite à la cour même, puisqu’un prince royal se montre à peine mahométan de nom, et que son entourage l’imite sans effort. Le vulgaire, lui, continuait franchement ses pratiques de magie ou adorait des fétiches dont les temples étaient restés debout même dans les grandes villes comme Gaô et Dienné. Voici ce morceau :

« Dieu nous a dirigé vers un pays (le Songhoï) dont les