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L’EMPIRE SONGHOÏ

dans le Teska, le Kouboura, le Kanta (Kano) à l’est. Cependant son effort principal et le plus long se porte vers l’ouest, sur la destruction de ce royaume de Mali qui avait jadis menacé sa nation. Il conquiert ainsi presque toute la rive gauche du Niger occidental, prenant le petit Haoussa (au sud de Tombouctou), le Barra (pays de Goundam au lac Debo), détruisant Guiddio, une grande ville sur le lac Debo, combattant les Maures-Senhadiata, les Foulbés, les gens de Diaka. Il revenait d’une expédition dans le Gourma et se disposait à rentrer à Gaô, lorsqu’il se noya dans un petit bras du Niger qui forme l’île de Koura, au sud de Tombouctou.

« Il ne subit que deux échecs, l’un à Doumo (Douentza ?) l’autre dans le Barkou (Bourgou), rapporte la chronique, et dépassa tous les rois, ses prédécesseurs, en puissance et par le nombre de ses soldats. Ses conquêtes furent considérables, et son renom s’étendit du levant au couchant : on parlera longtemps de lui, si Dieu le veut ! » Les écrivains soudanais parlent, en effet, beaucoup d’Ali le Conquérant, mais de singulière façon : pour lui prodiguer les épithètes les plus violentes et le couvrir d’injures. « Impie célèbre, horrible tyran », dit l’un. « Grand oppresseur, destructeur de villes, cœur dur et injuste », dit l’autre. « Tyran sanguinaire qui fit périr tant d’hommes que Dieu seul en connaît le nombre, et qui se montra cruel envers les gens pieux et savants, les méprisa, les humilia et les fit mettre à mort », — renchérit un troisième.

En réalité, il ne fut meilleur ni pire dans ses guerres que tel de ses successeurs ou tout autre prince soudanais. La guerre en pays nègre a toujours un caractère particulièrement brutal et odieux. L’impartialité de l’Histoire n’a rien à voir avec cette accumulation d’opprobre. C’est une vengeance des historiens. Ceux-ci, des marabouts, en même temps que les détenteurs des lettres et des sciences, sont les représen-