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TOMBOUCTOU LA MYSTÉRIEUSE

Ségou. Il paraît que la décoration par laquelle on s’était efforcé d’agrémenter les hautes et nues murailles qui faisaient ressembler ces palais à des prisons, avait été apportée jadis par des maçons venus de Dienné. L’ingéniosité d’un artilleur, alliée à la maçonnerie nègre, a produit, en somme, un monument des plus curieux : de près, avec sa forêt de pointes, il rappelle, à volonté, un porc-épic ou un grand orgue de cathédrale, fortement tuyauté. Pourquoi faut-il que cette construction soit des moins durables ? Hélas ! le pisé de ses murs est l’inconsistance même, et chaque année, à la saison des pluies, les pilastres s’en vont en déliquescence comme des pains de sucre. Trois fois, hélas ! Nos fils même ne pourront goûter l’amusement de cette curiosité.

La ville est populeuse, commerçante et très vivante, mais intérieurement elle ne tient pas ses extérieures promesses de séduction. Il est regrettable que l’on n’ait pas encore songé à y faire les grandes trouées et les plantations qui ont rendu Bammakou si plaisant. Le quartier des palais royaux où nous sommes installés est le seul intéressant. De ces palais nous n’avons guère laissé debout que les énormes murailles. L’intérieur a été démoli et adapté à nos goûts et besoins. C’est la carcasse du palais d’Ahmadou, le fils d’El Hadj Omar, qui a fourni à l’architecte-artilleur le gros œuvre de son monument. Quant à la demeure même du fameux conquérant nègre, à l’endroit où se prélassaient les noires beautés de son harem, poussent des carrés de salade, de choux et de radis, tandis que sur l’emplacement de son trésor s’élève le bureau des postes et télégraphes.

C’est d’ailleurs le dernier et le plus septentrional des quatorze bureaux qui sont éparpillés à travers le Soudan. Désormais nous ne trouverons plus que des postiers d’occasion, c’est-à-dire quelque sous-officier qui assurera militairement le départ et la distribution des lettres dans chaque ville occupée. Tous les quinze jours, arrive et repart un courrier