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ET L’ÉCREVISSE.

long-temps, ils lui demandèrent de loin ce qu’il faisait là.

Hélas ! leur répondit le cormoran, d’un air contrit et d’un ton lamentable, je suis venu au bord de ces eaux pour y expier mes crimes dans l’exercice de la pénitence et pour m’y préparer à une bonne mort. J’ai, à la vérité, commis des meurtres sans nombre, sur-tout sur votre espèce ; mais je me suis à la fin converti, et j’ai embrassé l’état de sanniassy dans lequel j’ai résolu de passer le reste de ma vie.

Les poissons, au commencement, se défièrent de ses paroles ; cependant voyant que sa conduite ne se démentait pas, ils se familiarisèrent peu-à-peu avec lui, et à la fin ils se persuadèrent que sa conversion était réellement sincère et qu’ils n’avaient plus rien à appréhender de sa part.

Avant d’exécuter son dessein perfide, le cormoran attendit encore quelques jours, après lesquels s’apercevant qu’il avait entièrement gagné la confiance des poissons, un jour que ces derniers étaient tous rassemblés autour de lui, il parut tout d’un coup plongé dans une tristesse profonde ; il pleurait en poussant des soupirs et donnait plusieurs signes de la plus vive affliction. Les poissons, étonnés de ce changement subit, lui en demandèrent la cause.