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LE BRAHME, LE CROCODILE, L’ARBRE,

coupent toutes mes branches, et finissent par me priver de la vie en m’arrachant avec les racines : d’où je dois conclure que la vertu de nos jours parmi les hommes, c’est de détruire ceux qui les nourrissent.

Après ce premier arbitre, les plaideurs virent une vieille vache qui paissait sans gardien sur le bord du fleuve, et ils l’appelèrent. Le brahme lui fit la même question et lui demanda s’il était permis de faire du mal à ceux qui nous faisaient du bien, et si c’était une vertu de nuire à ceux qui nous avaient rendu service.

Que parles-tu de vertu ? repartit la vache : la vertu de nos jours, c’est de dévorer ceux qui nous nourrissent, comme je ne l’éprouve que trop par une malheureuse expérience. J’ai jusqu’ici rendu à l’homme les services les plus importans, j’ai labouré ses champs, je lui ai donné des veaux et je l’ai nourri de mon lait, et maintenant que, devenue vieille, il n’a plus rien à attendre de moi, il me rebute, et je me vois ici abandonnée au bord de ce fleuve, et exposée à chaque instant à devenir la proie des bêtes féroces.

Il ne manquait plus que le témoignage d’un troisième arbitre pour consommer la ruine du brahme. Les plaideurs ayant aperçu un renard,