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LA VACHE ET LE RENARD.

reconnaissance de nos jours, c’est de dévorer ceux qui nous nourrissent et qui nous font du bien.

Suspens au moins ton mauvais dessein pour quelques instans, ajouta le brahme, et voyons si la morale que tu viens d’annoncer trouvera des approbateurs. Rapportons l’affaire à des arbitres, et si nous en trouvons trois qui approuvent ton dessein, je ne m’oppose plus à ce que tu me dévores.

Le crocodile accéda à la demande du brahme et consentit à ne le dévorer qu’après avoir trouvé trois arbitres qui ne désapprouveraient pas son dessein.

Ils s’adressèrent d’abord à un manguier planté sur le bord du fleuve, et le brahme lui adressant la parole, lui demanda s’il était permis de faire du mal à ceux qui nous avaient fait du bien.

Je ne sais pas si cela est permis ou non, répondit le manguier ; mais je sais bien que c’est là précisément la conduite que les hommes, tes semblables, tiennent envers moi. En effet, j’apaise leur faim en les nourrissant de mes fruits succulens ; je les garantis des ardeurs du soleil, en les couvrant de la fraîcheur de mon ombre ; mais dès que la vieillesse ou quelque accident m’a mis hors d’état de leur procurer ces biens, oubliant aussitôt mes services antérieurs, ils