Page:Dubois - Le Pantcha-Tantra ou les cinq ruses.djvu/383

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
363
LES QUATRE BRAHMES FOUS.

me donne par-tout le nom de Bétel-Anantaya : voici l’action qui m’a valu ce sobriquet.

Il y avait à peine un mois que ma femme, retenue jusqu’alors à la maison de son père à cause de sa jeunesse, était venue habiter avec moi ; une nuit, en nous couchant, je m’avisai de lui dire, je ne sais à quel propos, que les femmes étaient des babillardes ; elle me répondit qu’il y avait des hommes qui étaient plus babillards que les femmes. Je compris à son air que c’était à moi qu’elle faisait allusion ; et vivement piqué de cette réponse : Eh ! bien, lui dis-je, voyons lequel de nous deux parlera le dernier. Volontiers, répondit-elle ; mais que donnera à l’autre celui qui perdra la gageure ? Une feuille de bétel[1], repris-je ; et, le pari fait, nous nous couchâmes sans prononcer une seule parole.

Le lendemain matin, comme on ne nous voyait pas paraître à l’heure ordinaire du lever, après avoir attendu quelque temps, on nous appela plusieurs fois, mais point de réponse ; on cria beaucoup plus fort en heurtant violemment à la porte ; même silence de notre part. L’alarme se

  1. Les Indiens mâchent continuellement du bétel : on a trente ou quarante feuilles de cette plante pour la valeur d’un liard.