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à-peu avec lui, et finit par le regarder comme un ami sincère.

Le lion, s’apercevant qu’il avait gagné la confiance de l’âne, crut qu’il était temps de pratiquer la ruse qu’il avait inventée pour le perdre. Dans cette intention, il s’adressa à lui en ces termes : Pourquoi, seigneur âne ! lui dit-il, mènes-tu ici une vie si abjecte et si méprisable ? Le maître que tu sers t’accable de travaux pénibles, et oubliant ensuite les services que tu lui rends, il ne cesse de te maltraiter, ne t’accorde presque pas de relâche, et ne te donne qu’autant de nourriture qu’il en faut pour t’empêcher de mourir de faim. L’amitié que je te porte me fait considérer avec la plus vive douleur la vie dure et misérable que tu mènes ici, et m’engage en même temps à chercher à améliorer ta condition : si tu veux donc, je t’introduirai auprès du roi lion que je sers, je te ferai contracter amitié avec lui et je te placerai sous sa protection. Protégé et aimé par un maître si puissant, tu pourras vivre heureux auprès de lui, et tu te verras respecté de tout le monde. Crois-moi donc, laisse-là les paquets de linge sale et de guenilles puantes dont te charge, tous les jours, le blanchisseur ton maître. Fuis de ces lieux où tu vis dans un mépris universel,