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ET LE CROCODILE.

porta, nageant toujours sur la surface de l’eau, et prit la route du lieu où sa femelle faisait son séjour.

Chemin faisant, le crocodile se sentit agité des plus violens remords à la vue du crime qu’il allait commettre : Me voilà donc exposé, se disait-il, à trahir de la manière la plus perfide le meilleur de mes amis, celui qui a mis en moi une confiance sans bornes, et à qui j’ai les plus grandes obligations ; faut-il que, pour satisfaire les désirs de ma femme, je me voie réduit à une si cruelle extrémité ? Je reconnais maintenant la vérité de cette ancienne maxime :

Sloca.

« On connaît la qualité de l’or par la pierre de touche ; on connaît le naturel d’un homme par ses discours ; on connaît la force d’un bœuf par la charge qu’il porte ; mais il n’y a aucune règle pour connaître le naturel d’une femme. »

En disant ces paroles, qu’il répétait souvent, le crocodile poussait de profonds soupirs ; et quoiqu’il parlât fort bas, le singe qui était monté sur son dos, comprit bientôt le sens de ce qu’il disait. Il vit alors le danger imminent auquel il s’était exposé par son imprudence. Se