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ET LE BRAHME.

à lui sans témoigner le moindre signe de crainte, fut saisi d’étonnement et lui demanda comment il osait paraître devant lui avec tant de hardiesse et d’effronterie.

Qu’ai-je à craindre ? reprit le brahme d’un ton ferme. Plongé depuis long-temps dans la misère la plus affreuse, l’existence est devenue pour moi un fardeau insupportable, et je viens auprès de toi exprès pour être dévoré, et finir tout d’un coup une vie qui m’est à charge.

La condition déplorable de ce brahme toucha le tigre, il voulut lui laisser la vie ; il fit plus, il lui assigna pour demeure un lieu voisin de sa caverne, et l’assurant de sa protection, lui promit de prendre soin de lui.

Le tigre n’oublia pas son protégé, et lui témoignait son attachement en lui apportant presque tous les jours des joyaux d’or ou des pierres précieuses qu’il trouvait sur le grand nombre d’hommes et de femmes qu’il dévorait. Le brahme allait vendre tous ces joyaux dans le voisinage, et par ce moyen il eut bientôt accumulé des richesses considérables. Le tigre, de son côté, contracta avec lui une si étroite amitié qu’il ne le quittait presque plus et passait avec lui tous ses momens de loisir, au point qu’il négligeait la chasse, et que les quatre renards qui