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LA TORTUE ET LE RENARD.

je me ramollirais peu-à-peu dans l’eau, et tu pourrais ensuite me dévorer à ton aise.

Le renard, ne soupçonnant aucun artifice dans la réponse de la tortue, la prit et la transporta dans un étang voisin. Toutefois il prenait la précaution de lui tenir une patte appuyée sur le dos, pour empêcher qu’elle ne pût s’échapper ; après qu’elle eut été quelque temps dans l’eau : Eh bien, amie tortue ! lui dit le renard, ta peau n’est-elle donc pas encore ramollie ? Elle est devenue molle, repartit la tortue, dans toutes les parties du corps, excepté sur le seul endroit où tu tiens la patte appuyée, car l’eau n’a pu y pénétrer encore. Si tu veux la retirer pour quelques instans, cet endroit se ramollira aussi en s’humectant, et tu pourras ensuite faire de moi ce qu’il te plaira.

Le renard retira aussitôt sa patte de dessus le dos de la tortue ; mais celle-ci ne se sentit pas plus tôt en liberté qu’elle plongea vite dans le fond de l’eau, à un endroit où le renard ne pouvait atteindre ; et dès qu’elle se vit en lieu de sûreté, se tournant vers lui : Eh bien, ami renard ! lui dit-elle d’un ton moqueur, tu m’as tout-à-l’heure traitée de sotte, dis-moi maintenant qui de nous deux mérite le nom de sot.

Confus de s’être laissé attraper par une