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LE LION, LE BOUC

longueur démesurée descend de son menton ; à côté de cette longue barbe on voit suspendus deux gros mamelons charnus qui joignent sa poitrine. En un mot jamais de ma vie je n’ai vu d’objet aussi capable de glacer d’effroi.

Le renard, au récit du lion, reconnut aussitôt que le sujet de tant d’épouvante n’était autre chose qu’un bouc ; il se mit à pousser des éclats de rire et le railla de s’être ainsi laissé épouvanter par un poltron de bouc. Il essaya ensuite de le rassurer et lui dit que l’objet qui lui avait causé une si grande frayeur était un des plus faibles et des plus lâches parmi tous les animaux ; il l’engagea à revenir sur ses pas, à le saisir et à le dévorer.

Enhardi par les paroles du renard, le lion consentit à retourner avec lui à la caverne où il avait laissé le bouc.

À la vue du lion revenant en la compagnie du renard, le bouc se douta bien que ce dernier lui avait joué ce tour. Rappelant toute sa présence d’esprit à la vue du nouveau danger dont il se voit menacé, il s’avance vers eux avec une contenance assurée ; et s’adressant au renard, lui dit d’un ton de colère : Est-ce ainsi que tu exécutes mes ordres ? Je t’avais envoyé pour m’amener dix lions afin de les dévorer tous à-la-fois,