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peuvent s'y accoutumer. Les Tartares s'en passent et n'en ont nul besoin ; le seul arrangement des termes y supplée, sans qu'il y ait jamais ni obscurité, ni équivoque ; aussi n'ont-ils point de jeux de mots, ni de fades allusions. Une autre singularité de la langue tartare, est la quantité de termes qu'elle a pour abréger. Elle n'a pas besoin de ces périphrases, ni de ces circonlocutions qui suspendent le discours et qui le glacent : des mots assez courts expriment nettement, ce que sans leur secours on ne pourrait dire que par un long circuit de paroles ; c'est ce qui se voit aisément, quand il s'agit de parler des animaux domestiques ou sauvages, volatiles ou aquatiques. Si l'on en veut faire une description exacte en notre langue, à combien de périphrases ne faut-il point avoir recours par la disette des termes qui signifient ce qu'on veut exprimer ? Il n'en est pas de même chez les Tartares, et un seul exemple le fera comprendre. Je choisis celui du chien, c'est celui de tous les animaux domestiques qui fournit le moins de termes dans leur langue, et ils en ont cependant beaucoup plus que nous. Outre les noms communs de grands et petits chiens, de mâtins, de lévriers, de barbets, etc., ils en ont qui marquent leur âge, leur poil, leurs qualités bonnes ou mauvaises. En voici des exemples. Veut-on dire qu'un chien a le poil des oreilles et de la queue fort long et bien fourni ? Le mot tatha suffit ; qu'il a le museau long et gros, la queue de même, les oreilles grandes, les lèvres pendantes ? Le seul mot yolo dit tout cela. Que si ce chien s'accouple avec une chienne ordinaire, qui n'ait aucune de ces qualités, le petit qui en naîtra s'appelle peseri. Si quelque chien que ce soit, mâle ou femelle, a au-dessus des sourcils, deux flocons de poil blond ou jaune, on n'a qu'à dire tourbé. S'il est marqueté comme le léopard, c’est couri ; s'il n'a que le museau marqueté, et le reste d'une couleur uniforme, c’est palta ; s'il a le col tout blanc, c’est tchacou ; s'il a quelques poils au-dessus de la tête tombant en arrière, c’est kalia ; s'il a une prunelle de l'œil moitié blanche et moitié bleue, c’est tchikiri ; s'il a la taille basse, les jambes courtes, le corps épais, la tête levée, c’est capari, etc. Indagon est le nom générique du chien, nieguen celui de la femelle ; leurs petits s'appellent niaha jusqu'à l'âge de sept mois, et de là jusqu'à onze mois nouqueré. A 16 mois ils prennent le nom générique d'indagon. Il en est de même pour leurs bonnes et mauvaises qualités, un seul mot en explique deux ou trois. On ne finirait point si l'on parlait des autres animaux ; des chevaux, par exemple : les Tartares, par une espèce de prédilection pour cet animal qui leur est si utile, ont multiplié les noms en sa faveur, et ils en ont vingt fois plus pour lui que pour le chien. Non seulement ils ont des noms propres pour ses différentes couleurs, son âge, ses qualités ; ils en ont encore pour les différents mouvements qu'il se donne : si étant attaché il ne peut demeurer en repos ; s'il se détache et court en toute liberté ; s'il cherche compagnie ; s'il est épouvanté de la chute du cavalier, ou de la rencontre subite d'une