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grand malheur est de n'avoir aucune connaissance du vrai Dieu : il paraît même qu'ils n'ont aucune religion. Il est vraisemblable que les Mongous ont eu autrefois quelque connaissance du christianisme, et qu'il y a même eu parmi eux beaucoup de chrétiens du temps de Zinghiskan ennemi implacable de Mahomet et de ses successeurs. C'est sur quoi je me suis entretenu avec un prince mongou, frère d'un de ces régulos, dont les États sont assez près de la grande muraille : il sait très bien la langue des Mantcheoux que je parlais aussi, et comme il est plus instruit de l'histoire de ses ancêtres qu'aucun des autres Mongous que je connusse, je lui demandai depuis quand les Mongous avaient tant de vénération pour les lamas, surtout pour le Grand lama de Thibet, et depuis quand ces lamas avaient introduit chez les Mongous la religion de Fo. Il me répondit que c'était depuis l'empereur Coublaï, qu'il me nomma Houbilai : qu'alors il vint des lamas dans le pays des Mongous, qui y apportèrent leur religion : mais que ces lamas étaient bien différents de ceux d'aujourd'hui, que c'étaient des hommes savants, d'une vie irréprochable, des saints qui faisaient grand nombre de prodiges. Il y a de l'apparence que ces hommes qu'il appelait lamas, étaient des religieux chrétiens qui vinrent de la Syrie et de l'Arménie, lesquels étaient alors sujets à cet empereur, et qui prêchèrent la religion chrétienne aux Mongous, de même qu'aux Chinois : mais que dans la suite la communication de ce pays avec la Chine et la Tartarie, ayant été rompue par le démembrement de ce grand empire, les bonzes de la Chine mêlèrent leurs superstitions aux coutumes des chrétiens, et que permettant la débauche et le libertinage aux Tartares, gens grossiers et charnels, ils introduisirent peu à peu la religion de Fo parmi les Mongous. Cela est d'autant plus croyable, qu'on trouve chez ces lamas, beaucoup de cérémonies et d'usages semblables aux usages et aux cérémonies qui s'observent parmi les chrétiens. Ils ont l'eau bénite et le chant du chœur, ils prient pour les morts. Leur habillement est semblable à celui dont on peint les Apôtres ; ils portent la mitre et le chapeau comme les évêques, sans parler de leur Grand lama, qui est à peu près parmi eux, ce qu’est le souverain pontifie parmi les chrétiens. Les Mongous sont bonnes gens, et fort dévots dans leur religion : mais ils sont tellement attachés à leurs lamas quoique fort ignorants, et la plupart d'une vie très déréglée, qu'il n'y a presque pas d'espérance de les convertir à la vraie foi. Au premier voyage que je fis en Tartarie, j'eus la pensée d'ouvrir une mission parmi ces peuples, et de consacrer le reste de mes jours à leur prêcher l'Évangile ; mais je trouvai dans leurs esprits et dans leurs cœurs si peu de disposition à recevoir la divine semence, que je ne crus pas qu'il fût de la prudence d'abandonner la Chine, où je voyais une moisson si abondante à recueillir. Ce n'est pas que ces âmes étant rachetées du sang de J.-C. aussi bien que celles des peuples les plus polis, elles ne doivent également avoir part à la charité des hommes apostoliques : mais je suis persuadé que le moyen le