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de ceux des lamas qui avaient pris ouvertement le parti du Caldan, et les menaçant d'envoyer son armée jusques à Poutala, s'ils n'exécutaient pas ponctuellement ce qu'il leur prescrivait.

Le tipa et les lamas ont tâché d'adoucir l'empereur ; néanmoins ils ne se sont pas pressés de lui remettre les gens qu'il demandait, et ils lui ont fait à diverses fois de très humbles remontrances, auxquelles l'empereur ne s'est pas rendu. Cependant il n’est pas croyable que S. M. entreprenne de porter la guerre dans le Thibet : la Chine en est trop éloignée, et les chemins sont trop difficiles pour y conduire une armée : d'ailleurs l'empereur aime à maintenir ses sujets en paix, et son génie ne le porte à la guerre, qu'autant qu'il y est forcé par l'intérêt de la gloire, ou par le bien de ses États. Au reste Poutala est le nom de la montagne, sur laquelle on a bâti le palais, ou, si l'on veut, la pagode où réside le Grand lama. Au bas de la montagne on voit couler une assez grande rivière nommée Kaltjou mouren. Mouren signifie rivière en langue mongole. C’est, dit-on, un lieu qui a un très bel aspect. Au milieu de la montagne est la pagode qui a sept étages. Le Grand lama loge dans l'appartement le plus élevé. A côté de la montagne sont les restes de la ville, ou Tsanpa tenait sa cour : elle a été entièrement détruite par Coucihan roi des Eluths. Tous les peuples du Thibet habitent dans de petites villes, dans des bourgades ou villages, et vivent de la culture de la terre. J'ai appris d'un ancien président du Tribunal des rits de Peking, qui a été autrefois ambassadeur vers le Grand lama tout ce que je dis ici du Thibet, et ce qu'il m'a dit, s'accorde parfaitement avec ce que m'en ont rapporté plusieurs autres mandarins, qui y ont été envoyés plusieurs fois ces dernières années. Ce président m'a assuré qu'il n'y avait pas plus de 400 lieues depuis Si ming jusqu'à Poutala, et qu'il avait fait le voyage en 46 jours durant l'hiver, ne faisant guère plus de 8 ou 9 lieues par jour : il m'a ajouté qu'il avait trouvé des habitations presque partout. Il employa 20 jours à aller jusqu'à un lieu nommé Tsing fou hai par les Chinois. C'est un lac ou plutôt ce sont trois lacs si près les uns des autres qu'il n'en font qu'un. C'est là qu'est la source du fleuve Jaune appelé en chinois Hoang ho, qui dans cet endroit n'est qu'une petite rivière d'une eau fort claire. Elle prend d'abord son cours vers le sud, entre des montagnes dont elle reçoit les eaux, et après s'être grossie de celles des ruisseaux, et des petites rivières qui coulent de tout le pays de Coconor, elle entre dans la Chine proche de Ho tcheou : c'est le nom d'une ville de la province de Chen si, sur les confins de la province de Se tchuen, situées au sud-ouest de Si ning. Ce fleuve entre dans la Chine par un passage fort étroit que forment deux rochers énormes, tellement escarpés, qu'ils paraissent coupés à plomb exprès, pour donner passage à cette rivière : elle est déjà grosse en cet endroit, en même temps fort trouble, à cause des terres sablonneuses que ses eaux entraînent.