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de renoncer aux pompes du siècle, de vivre dans le célibat, et de ne faire aucun commerce. Le Grand lama ne demeure pas dans la ville, mais tout auprès, dans la plus belle des pagodes, qui sont en grand nombre sur la montagne Poutala. Il est placé sur une espèce d'autel, assis sur un large et magnifique coussin, les jambes croisées. C’est en cet état qu'il reçoit les respects, ou plutôt les adorations, non seulement des gens du pays, mais encore d'une multitude surprenante d'étrangers, qui entreprennent de longs et pénibles voyages, pour venir à deux genoux lui offrir leurs hommages et recevoir sa bénédiction. Parmi ces pèlerins, il y en a grand nombre qui viennent de l'Indoustan, et qui ont grand soin de faire valoir leur mérite auprès du Grand lama, en racontant, et exagérant presque toujours ce qu'il leur a fallu souffrir de peines et de fatigues en chemin depuis l'Inde jusqu'à Lasa. Après les Thibétains, les Tartares sont les plus assidus à rendre leurs devoirs au Grand lama ; on en voit à Lasa qui s'y rendent des climats les plus éloignés. Dans le temps que les armées des Eluths entraient dans les terres du Thibet, il se trouva à Lasa une princesse tartare avec son fils, qui demeure au nord de la mer Caspienne, entre Astracan, Saratoc, et la rivière Jauk. Son fils est neveu de Ayuki han des Tartares Tourgours. Cette princesse eut recours à l'empereur, qui après l'avoir entretenue à ses frais, en lui accordant des terres en Tartarie, obtint pour elle la permission d'un libre passage par la Sibérie, et lui donna de ses gens pour la conduire en son pays. Les princes ne sont pas plus dispensés de ces humiliantes cérémonies que le bas peuple, et ne sont pas plus respectés du Grand lama. Il ne rend le salut à personne ; il ne se découvre, ni ne se lève jamais pour qui que ce soit ; il se contente de mettre la main sur la tête de ses adorateurs, qui croient obtenir par là la rémission de leurs péchés. On demanda au lama qui avait dressé la carte, comment il avait été traité du Grand lama, lui qui avait la qualité de kin tchai, c'est-à-dire, d'envoyé de l'empereur. Il éluda la difficulté, et toute sa réponse fut que le Grand lama ne se mit point à genoux, comme ont accoutumé de faire les princes, même tartares, lorsqu'ils s'informent de la santé de l'empereur ; et qu'il se contenta en se soutenant d'une main, de faire sur son coussin un petit mouvement, comme s'il eut voulu se lever. Les princes et les peuples de tant de pays se soumettent sans peine à tous ces devoirs, par l'idée qu'ils ont du pouvoir et de la sainteté du Grand lama. Ils sont persuadés que Foe vit en lui, qu'il sait tout, qu'il voit tout, qu'il lit dans le fond des cœurs, sans qu'il lui soit nécessaire de faire des questions, ou d'ordonner des informations ; que si quelquefois il en fait faire, c'est pour la forme, afin de ne laisser aucun prétexte de se plaindre aux incrédules et aux mal intentionnés ; qu'il est immortel, et