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éclairées, qui ont fait ces chemins, plus connus que jamais depuis ces dernières années de guerre, que les missionnaires ont cru pouvoir dresser une carte de tout le Thibet, dont l'exactitude méritât l'attention du public, puisqu'on ne peut trouver ailleurs aucun détail des villes, des montagnes, et des rivières de ce pays 1. On le nomme royaume de Thibet et de Barantola ; c'est un nom que différentes nations Tartares donnent à tous les pays, qui sont depuis la grande rivière Ya long, jusqu'à la source du Gange, et qui contiennent plus de vingt degrés de l'orient à l'occident, et plus de huit du septentrion au midi. Les habitants de Cachemire, et des villes situées au-delà du Gange, lui donnèrent le nom de Bouton ou Boutan. Les Chinois l'appellent Tsan et Tsan li, parce que les peuples qui habitent ces terres, ont donné le nom de Tsan pou à la rivière qui les traverse. Les uns et les autres le nomment souvent Lasa, parce que c'est dans le pays de Lasa qu'est situé la pagode où réside le Grand lama, et que c'est de tout le Thibet le canton le plus respectable, le plus habité, et le meilleur, par toutes les commodités de la vie qu'on y trouve, et par l'agrément qu'on a d'y voir grand nombre de lamas et de pèlerins qui s'y rendent. Dans le compte que le grand seigneur, dont j'ai parlé, rendit à l'empereur, il ne lui dissimula pas l'infâme coutume qui y règne, selon laquelle il est permis à une femme d'avoir plusieurs maris, quoique frères, et d'ordinaire de la même famille ; on partage les enfants, en donnant à l'aîné le premier qui vient au monde, et aux cadets ceux qui naissent dans la suite. Quand on reproche aux lamas un si honteux désordre, ils s'excusent sur le peu de femmes qui se trouvent dans le Thibet, de même qu'en Tartarie, où en effet dans des familles on voit beaucoup plus de garçons que de filles. Excuse frivole qui ne sert qu'à autoriser le crime, et qui est suffisamment réfutée par la conduite des Tartares, qui ne donnent point dans de semblables excès. Depuis la guerre que les Thibétains ont avec les Tartares Eluths, on ne peut dire rien de bien certain sur la forme présente de leur gouvernement. Avant ces troubles le Grand lama était le maître de tout le Thibet ; mais parce qu'il fait profession de ne pas s'embarrasser des affaires du siècle, il choisissait un homme du pays, auquel il donnait le nom de tipa, avec le pouvoir de gouverner les peuples en son nom. Ce tipa porte l'habit de lama, sans cependant être assujetti aux obligations de cet état. Ces obligations ne sont ni légères, ni en petit nombre ; il n'y a aucun lama qui s'engage à les observer toutes : ils partagent entr'eux le fardeau ; l'un est chargé de l'observation d'un tel précepte, un second s'oblige d'en pratiquer un autre, et ainsi du reste ; cependant ils ont certaines prières communes qu'ils chantent d'une manière assez agréable, et tous sont obligés