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qu'un souverain voulût placer sa cour hors de ses États, surtout si elle en était séparée par un long trajet de mer. Cette conjecture qui paraît d'abord peu vraisemblable, n'est pas tout à fait sans fondement, comme on va le voir, en reprenant la chose d'un peu plus haut. Lorsque Yu le Grand (c'est le juste titre dont la postérité chinoise a honoré la mémoire de ce prince), lorsque Yu, dis-je, entreprit la conduite des eaux qui avaient inondé tout le plat pays sous l'empire de Chun et de Yao, il commença par la rivière de Hoang ho, comme celle qui causait le plus de dégât. Il alla la rechercher jusque dans le fond de la Tartarie, et l'ayant menée jusqu'aux extrémités méridionales des provinces de Chan si et de Chen si, qu'elle sépare l'une de l'autre, il lui ouvrit un passage au travers d'une montagne, d'où ce fleuve se précipite, et forme en tombant une cascade qui peut égaler celles du Nil. De là il la força de traverser paisiblement la province de Ho nan, et l'ayant enfin conduite en suivant toujours son lit, dans la province de Pe tche li, il dessécha le lac Ta lou, formé de la décharge des eaux du Hoang ho. Ce lac occupait tout l'espace où sont aujourd'hui les territoires de Chun te fou, ville du premier ordre, de Tchao tcheou, et de Ching tcheou, de la même province. Enfin, pour affaiblir la rapidité de son cours, il la partagea en neuf canaux, et la contraignit de se jeter dans la mer par autant d'embouchures. Quelques-uns veulent que ces neuf canaux soient venus aboutir à un seul, avant que d'entrer dans la mer Orientale, à la gauche du mont Kie che chan, qui y formait un promontoire ; mais soit que toutes les eaux de cette rivière entrassent dans la mer au pied de cette montagne, soit que ce ne fut que celles de son canal direct, il est certain que le Hoang ho dans l'espace de 3.921 ans (car il s'en est autant écoulé depuis le temps que Yu commença ce grand ouvrage), s'est bien écarté de son ancien chemin, et qu'au lieu qu'il entrait alors immédiatement dans la mer sous la hauteur d'environ 40 degrés, il entre présentement dans la rivière de Hoai ho, un peu au-dessus de Hoai ngan fou, ville du premier ordre de la province de Kiang nan ; c'est-à-dire, sous la hauteur de près de 34 degrés ; et l'embouchure qui porte dans la mer les eaux de ces deux rivières, tire son nom parmi les Chinois du Hoai ho, et non pas du Hoang ho. De plus il est à remarquer que ce mont Kie che chan, qui était pour lors attaché à la terre ferme de Yong ping fou, est présentement à cinq cents lys avant dans la mer, au midi de cette ville, de sorte que la mer ayant peu à peu étendu ses bornes, s’est enfin emparée de tout cet espace de terre. L'histoire chinoise, dira-t-on, ne parle point d'un changement si considérable, il est vrai ; mais elle n'a pas marqué non plus que la mer a couvert les cinq cents lys qui sont aujourd'hui entre le mont Kie che chan, et la terre ferme de Yong ping fou, et qui forment une partie du golfe de Leao tong.