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ce lama n'ignore rien : il dispose absolument des grâces et du pouvoir de Fo : il est déjà rené au moins quatorze fois, et renaîtra encore, quand il aura rempli son temps. Il fut bien surpris quand, à l'occasion de notre carte, il vit des étrangers venus du grand Occident, qui, bien loin de l'honorer à la manière de tous ces peuples, osaient même en présence de plusieurs princes mongous, dont l'un était son neveu et gendre de l'empereur, lui reprocher une si folle idolâtrie, faire remarquer son ignorance dans les questions que la curiosité lui faisait faire sur l'Europe, et le menacer des jugements terribles de Dieu et d'une peine éternelle. Il écouta tout froidement, et continua de recevoir les adorations des seigneurs tartares qui étaient du voyage, comme s'il n'avait rien entendu, ou comme s'il n'était point coupable de l'aveuglement de ces adorateurs. Quoiqu'il en soit, la prévention qu'ont les Mongous en sa faveur, attire une foule de peuples à Iben pira, où il demeure depuis environ 20 ans : on dirait que c'est une grande ville faite de tentes. Le fracas y est plus grand qu'en aucun endroit de cette Tartarie. Les Moscovites de Selinguesko qui ne sont pas loin, y font commerce. On y voit des bonzes de l'Indostan, du Pegou, du Thibet, de la Chine, des Tartares de nations les plus éloignées, des lamas en grand nombre et de tout rang. Car les lamas qui sont les religieux et les prêtres de la Tartarie, ont leurs différents degrés quoi qu'ils reconnaissent tous pour chef le Grand lama qui habite à l'ouest de la Chine sur la rivière de Lasa 1, qui est aussi le nom chinois du lieu de sa pagode, que les Tartares voisins appellent Barantola, donnant à tout ce pays le nom général de Thibet. Ce grand pontife de la religion païenne dans cet orient, confère divers degrés de pouvoir et de dignité à ses lamas, dont le plus éminent est d'être houtouctou, ou Fo vivant. Le nombre de ces Grands parmi les lamas est assez petit, et le prince dont nous parlons, est sans doute le plus célèbre et le plus honoré, surtout des Kalkas, dont il est devenu l'oracle infaillible, depuis qu'il les a vengés des cruautés du Caldan, en engageant l'empereur de la Chine à prendre leur défense. Les terres de ces Kalkas sont séparées au sud par de simples monceaux de sable vers le 44e degré du pays nommé Outchou Moutchin, qui a aussi un prince avec titre de tsing vang, c'est-à-dire, de régulo du premier ordre, et commande une des bannières, composées de vingt-quatre nurous ou compagnies. Ces Tartares ne sont pas moins entêtés du grand crédit du houtouktou lama. Le prince et son peuple qui ont leurs lamas particuliers, ne laissent pas de s'en tenir aux décisions de l'oracle de Iben. Les lamas en Tartarie ne vivent pas en communauté 1, ils ont en certains quartiers des espèces de prébendes, qui consistent en des terres et des