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très violent et très froid. L'empereur m'envoya l'après-dinée d'un sirop qu'il fait faire exprès pour lui, et il me le fit boire dans sa propre tasse. Sur le soir, trois de ses enfants, qu'il avait envoyés passer les chaleurs de l'été dans la Tartarie, pour y rétablir leur santé, arrivèrent au camp ; les quatre autres fils de l'empereur étaient allés au-devant d'eux avec tous les Grands de la cour, et Sa Majesté les vint recevoir à la porte de l'enceinte la plus intérieure de ses tentes. Il eut la joie de les voir tous en parfaite santé. Le 28 l'empereur alla à la chasse dès la pointe du jour, il faisait si froid que nous étions presque tous vêtus de doubles fourrures, comme dans le plus grand hiver, et que l'haleine qui s'attachait à la barbe, se gelait dans l'instant. L'empereur ne laissa pas de poursuivre sa chasse ; il appela le cerf assez longtemps, plusieurs répondirent à l'appeau, mais aucun n'approcha jusqu'à la portée du fusil. Un des chasseurs qui accompagnaient l'empereur, s'étant avancé doucement vers un de ces cerfs qu'il découvrit de loin, le tira avec tant d'adresse, qu'il le tua à coups de flèche. Comme le vent ne discontinuait point, on rappela la troupe des chasseurs, et l'on fit deux enceintes, l'une après l'autre, où il se trouva beaucoup de gibier ; on y tua quantité de cerfs ; l'empereur en tua dix de sa main, et un animal appelé choulon, de la grandeur des plus grands loups, et dont la peau est une des fourrures les plus estimées ; son poil est grand, doux, et ferme. Ces peaux se vendent à Peking jusqu'à quinze et vingt écus la pièce. Après ces deux enceintes, le vent ne cessant point, on se rendit au camp de bonne heure. Les Moscovites appellent liu, l'animal que je viens de nommer choulon ; je crois que c’est un loup cervier. Le 29 on séjourna au camp, mais l'empereur partit dès la pointe du jour pour aller à la chasse, vers un lieu fameux dans ces montagnes, par la multitude de grands cerfs qu'on y trouve, il s'appelle Oulastai ; nous y étions venus dès l'année passée ; on y avait tué une multitude prodigieuse de cerfs ; cette année on en tua encore davantage. La chasse commença par l'appeau, et l'empereur tua deux fort grands cerfs ; vers le midi il fit faire l'enceinte, dans laquelle on en tua plus de quatre-vingt-dix, avec huit ou dix chevreuils ; de sorte qu'on rapporta au camp cent-deux, tant cerfs, que chevreuils ; la plupart de ces cerfs étaient fort grands ; l'empereur en tua lui seul trente-six, et cela en fort peu de temps. C'était un plaisir vraiment royal, de voir ces cerfs par troupes descendre de côté et d'autre dans une gorge, qui est entre deux montagnes fort roides, toutes couvertes de bois, et comme ils ne trouvaient point d'issue pour sortir, les uns tâchaient de regrimper ces montagnes, les autres s'élançaient à travers les chasseurs, qu'ils renversaient quelquefois de cheval ; cependant comme l'enceinte était double et fort pressée, il n'en pouvait presque échapper aucun. L'empereur avait donné permission à ses officiers et à ses chasseurs, de tirer tout ce qui se présenterait à eux. Un des pages de la chambre était assez proche de l'empereur ; son cheval s'étant cabré, et l'ayant jeté par terre dans le moment qu'il tirait sur