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d’expédier les affaires, mais encore, si l’on en croit la relation, d’ambassadeurs des pays les plus éloignés, et de prisonniers de presque toutes les nations du monde. Mais d’un autre côté la route de ces deux ambassades ne s’accorde pas avec la position des montagnes et de ces rivières, qui toutes, suivant les observations, font au-dessous du 50e degré de latitude, dans cette partie de la Tartarie.

Le Kerlon n’est, par exemple, qu’à 48 degrés et tant de minutes, et Kara ousson est à une hauteur encore moindre. Il serait plus facile de supposer que ces voyageurs, privés du secours des mathématiques et de la boussole dans une si longue route vers l’est, ont insensiblement décliné vers le sud, au lieu, comme ils le supposent, de s’être élevés si fort vers le nord, jusqu’au soixantième. La Tartarie d’ailleurs, soit au nord, soit en venant vers le sud, même vers le 41e où est Kara hotun, ne manque pas de bois à brûler, elle en manque seulement dans les plaines dont nous avons parlé qui sont situées au-dessous du 50e.

Cependant il est rapporté que dans la tente ou dans l’appartement même de l’empereur, il y avait un brasier entretenu du bois de quelques épines, de racine d’absinthe, et de fiente de bœufs. Après tout, quand on ne saurait dire précisément où était cette cour, et le village de Kara coran, la chose n’en serait pas moins certaine. Car si la géographie ancienne de nos Gaules souffre tant de difficultés, même avec le secours de tant de monuments anciens, et de tant de livres, on en doit encore trouver de plus grandes dans des pays comme ceux-ci, et surtout dans la Tartarie, qui étant un pays tout ouvert et sans défense, devient toujours la proie du plus fort.

C’est sur le chemin de Tchang kia keou vers le Kerlon, qu’on trouve une inscription singulière, et peut-être l’unique dans le pays des Mongous, à une lieue d’un endroit nommé Holoustai où est un petit lac. On y trouve de gros morceaux de marbre blanc enfoncés en terre. Sur le plus élevé sont quelques caractères chinois, qui marquent que sous Yong lo, l’armée chinoise commandée par l’empereur en personne, arriva jusques là le 14 mai[1] suivant notre calcul, d’où il paraît qu’il ne poussa pas les Mongous qu’il poursuivait, au-delà du Kerlon et qu’il se contenta de les tenir loin de la grande muraille, et des vrais limites de la Chine.

L’autre rivière appelée Toula va de l’est à l’ouest : elle est en bien des endroits plus grosse, plus rapide, plus profonde que le Kerlon ; elle est de plus bordée de bois et de très belles prairies. Les montagnes qui sont à son nord, ont leur sommet couvert de gros sapins, et font un assez bel effet à la vue. Les Mongous de cette Tartarie en parlent avec admiration.

La rivière de Toula se joint à une autre nommée Orgon ou Ourhon, qui vient du sud-ouest : après avoir coulé ensemble vers le nord, et s’être enflée de quelques autres, comme de Selingué pira, elle se jette enfin dans le plus grand des lacs de toute la Tartarie nommé Pai cal, qui appartient aux Moscovites. Le Selingué même n’appartient pas entièrement à nos Kalkas.

  1. En réduisant les lunes des Chinois à nos mois.