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Le 27 nous allâmes le père Thomas et moi pour y recommencer les explications ordinaires. Quelques jours après il dit qu'il ne trouvait point de lieu pour me loger commodément, et qu'ainsi il se contenterait de me faire venir de temps en temps. Apparemment les médecins lui avaient représenté qu'il était dangereux pour sa santé de s'appliquer trop pendant les chaleurs de l'été. Pendant tous les mois de juillet et d'août, nous avons continué d'aller de quatre en quatre jours à la maison de plaisance de l'empereur, où il n'a pas manqué de nous donner audience toutes les fois, jusque-là que ne pouvant s'appliquer à l'étude pendant les grandes chaleurs, il ne laissait pas de nous faire venir en sa présence, et il nous dit obligeamment qu'il voulait du moins nous voir. Le quatorzième d'août nous allâmes offrir à l'empereur quelques instruments de mathématiques, que les pères de Fontaney et le Comte nous avaient envoyés. Il y avait un grand anneau astronomique, qui donne en même temps l'heure et la minute, la hauteur du soleil, et la déclinaison de l'aimant ; un demi-cercle d'environ un demi-pied de rayon avec sa boussole, très bien divisé. Ces instruments étaient de la main du sieur Buterfield. Outre cela il y avait un étui de mathématiques, qui contenait un compas de proportion, deux compas ordinaires, une équerre, un petit demi cercle, et un tire-ligne ; de plus, nous lui présentâmes une sphère, quelques diamants d'Alençon dans une petite boîte d'émail assez propre, deux petites fioles de cristal taillées à facette, et garnies d'argent, l'une d'un cristal blanc fort fin, et l'autre d'un cristal bleu. Sa Majesté reçut tout cela de la meilleure grâce du monde ; nous passâmes plus d'une heure avec lui. Le discours étant tombé sur le Tribunal des mathématiques, Sa Majesté nous marqua un grand mépris pour ceux qui croyaient superstitieusement, qu'il y a des jours bons et mauvais, et des heures fortunées ; il nous dit nettement qu'il était très convaincu, non seulement que ces superstitions étaient fausses et vaines, mais encore qu'elles étaient préjudiciables au bien de l'État, lorsque ceux qui gouvernent, y ajoutent foi ; qu'il savait que cela avait coûté autrefois la vie à plusieurs innocents, dont il nomma quelques-uns, et entr'autres des chrétiens du Tribunal des mathématiques, auxquels on fit le procès en même temps qu'au père Adam, et qui furent condamnés à mort et exécutés, pour n'avoir pas, disait-on, choisi à propos l'heure de l'enterrement d'un fils de l'empereur, ce qui avait porté malheur à la maison impériale ; — Que le peuple, et même les Grands ajoutent foi à ces superstitions, dit-il, c’est une erreur qui n'a pas d'autres suites ; mais que le souverain d'un empire s'y laisse tromper, cela peut causer de terribles maux ; Je suis si persuadé de la fausseté de ces sortes de superstitions, ajouta-t-il, que je n'y ai pas le moindre égard ; il plaisanta même sur ce que les Chinois disent, que toutes les constellations président à l'empire de la Chine, en sorte qu'elles ne se mêlent nullement des autres ; sur quoi Sa Majesté ajouta, qu'il avait quelquefois dit à certains Chinois, qui lui faisaient ces sortes de contes, — Du moins laissez quelques étoiles aux royaumes voisins