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celle d’Europe, et il m’envoya faire sur cela plusieurs questions, durant la comédie même. Il y avait trois ou quatre bons acteurs ; les autres étaient médiocres.

Ces comédies sont mêlées de musique et de simples récits ; il y a du sérieux et du plaisant, mais le sérieux y domine. Au reste il s’en faut bien, qu’elles soient aussi vives et aussi propres à remuer les passions que les nôtres ; elles ne se bornent pas non plus à représenter une seule action, ni à ce qui se peut passer en une seule journée. Il y a des comédies qui représentent différentes actions, qui se seront passées dans l’espace de dix ans ; ils divisent leurs comédies en plusieurs parties, qu’ils représentent aussi en différents jours. C’est à peu près comme la vie de quelque personne illustre, divisée en plusieurs chapitres ; ils ne laissent pas d’y mêler de la fable. Les habillements des comédiens étaient à la mode des anciens Chinois ; ils ne dirent pas une seule parole libre, ni qui pût choquer la bienséance.

Le 10 nous fîmes 90 lys. L’empereur n’en fit que vingt à cheval, le reste il le fit par eau toujours sur de petites barques, mais un peu plus grandes et plus commodes que les canots du jour précédent. Après avoir fait les vingt premiers lys à cheval, il mangea en public sur le bord de la rivière, sous un petit pavillon qu’on avait dressé exprès, il envoya des plats de sa table aux seigneurs de la suite, et à quelques-uns de ses domestiques les plus considérables ; il me fit aussi l’honneur de m’en envoyer ; ensuite il s’embarqua sur la même rivière qui serpente toujours dans les montagnes. Il ne laissait pas de chasser de dessus sa barque, tirant aux oiseaux, il tua même quelques lièvres, que les gens de sa suite détournaient adroitement sur les bords de la rivière.


Arrivée à la forteresse de Kou pe keou.

En arrivant proche de la forteresse de Kou pe keou, nous trouvâmes toute l’infanterie qui garde ce poste, rangée en haie avec les officiers à leur tête, mais les uns et les autres n’avaient d’autres armes que le sabre au côté. Quand nous passâmes dans le bourg de Kou pe keou, quoiqu’il y eût des soldats postés pour empêcher qui que ce soit de paraître, il y eut dans une rue étroite un homme qui ne laissa pas de sortir brusquement de sa maison, avec une requête à la main pour la présenter à l’empereur, et parce qu’un des officiers qui marchait devant, voulut le faire retirer, il eut la hardiesse de le renverser par terre, en faisant tomber son cheval. L’empereur qui le vit, le fit châtier sur-le-champ de son insolence, en lui faisant donner bon nombre de coups de fouet par trois ou quatre de ses gens, qui s’acquittèrent fort bien de ce devoir. Il fit aussi arrêter le soldat qui était en garde, et qui ne s’était pas opposé au passage de cet homme.

Le soir Sa Majesté ayant reçu des fruits nouveaux, qu'on lui avait envoyés de Peking par la poste, il me fit l'honneur de m'en envoyer par un des eunuques de sa chambre.

Le soir il y eut de la pluie et du tonnerre ; il avait fait grand chaud tout le jour.

Le 11 nous ne fîmes que 40 lys, et nous couchâmes à Che hia. L'empereur vint toujours par eau. L'après-midi il y eut une grande pluie avec du tonnerre. L'empereur dîna en public, comme il avait fait le jour précédent.