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des pierres, et de tirer des coups de mousquets, le tigre se leva tout d'un coup, et prit brusquement la course vers le lieu où était l'empereur. Sa Majesté prit son arc et des flèches, dans le dessein de le tirer, s'il s'avançait de près ; mais étant arrivé au bas de la montagne, il tourna d'un autre côté, et alla se cacher dans le même bouquet de bois d'où il était sorti. L'empereur traversa promptement cette vallée, et suivit le tigre de si près, que le voyant à découvert, il lui tira deux coups de fusil qui achevèrent de le tuer ; il était à peu près de la grandeur de celui que Sa Majesté nous donna l'hiver dernier pour en faire l'anatomie. Tous les Grands de la cour allèrent voir le tigre, et faire par là leur cour à l'empereur. Sa Majesté qui m'avait ordonné d'être toujours près de sa personne, me demanda en riant devant tout le monde, ce que je pensais de cette sorte de chasse. Comme il se faisait tard, l'empereur fit abandonner l'enceinte, et ordonna que tout le monde retournât droit au camp par le chemin le plus commode, sans prendre garde à lui. Le camp était en un lieu nommé Tourbedé entre des montagnes, à cinquante lys du lieu d'où nous étions partis ; il plut médiocrement ce jour-là. Le 6 nous fîmes 60 lys, marchant toujours dans une vallée fort étroite, ayant des deux côtés des montagnes fort escarpées ; de sorte qu'il ne fut pas possible de chasser ce jour-là durant la marche. Comme nous étions prêts d'arriver au camp, l'empereur s'arrêta proche d'un rocher escarpé de toutes parts, et fait en forme de tour ; il mit pied à terre, et ayant appelé les Grands de sa cour, avec les meilleurs tireurs d'arc, il fit tirer à chacun sa flèche vers la cime du rocher, pour voir si on aurait l'adresse d'y atteindre. Il n'y en eut que deux dont les flèches demeurèrent sur le rocher, ou retombèrent de l'autre côté ; l'empereur tira aussi cinq ou six flèches, jusqu'à ce qu'une passât au delà du rocher. Ensuite il m'ordonna de mesurer la hauteur du rocher avec les instruments qu'il avait apportés. Il prit un demi-cercle d'un demi-pied de rayon, qui n’est qu'à pinule pour observer à une station plus éloignée ; après avoir fait l'observation, il voulut que nous calculassions chacun à part la hauteur du rocher ; nous trouvâmes qu'il était de quatre cent trente ché ou pieds chinois. Après cette première observation, il en voulut faire une autre de la hauteur du même rocher, en faisant les stations en un autre endroit plus éloigné ; nous fîmes chacun en particulier le calcul en présence de tous les Grands, qui ne pouvaient se lasser d'admirer que ces calculs fussent si conformes, qu'il n'y eut pas un chiffre de différence ; car Sa Majesté pour les en convaincre, me fit lire mes deux calculs chiffre par chiffre, tandis qu'il montrait les siens à ces seigneurs, qui ne cessaient de se récrier sur leur justesse. L'empereur mesura encore géométriquement une distance, après l'avoir calculée et en avoir dit le résultat publiquement, il la fit mesurer par une mesure actuelle, qui se trouva justement conforme au calcul ; il prit ensuite une pierre qu'il pesa avec une flèche toute simple, et après en avoir calculé le poids, il la fit peser dans une balance ; et comme elle se trouva aussi très conforme au calcul, les seigneurs de la cour redoublèrent leurs applaudissements, et