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Je remarquai que ces chèvres ne jetaient pas le moindre cri, lorsqu'on les blessait à coups de flèches ; mais quand elles étaient prises par les chiens, qui ne cessaient de les mordre jusqu'à ce qu'ils les eussent étranglées, alors elles poussaient un cri assez semblable à celui de nos brebis, lorsque les bouchers les veulent égorger. Après avoir achevé cette chasse, nous fîmes encore plus de vingt lys de chemin dans une grande plaine, avant que d'arriver au lieu où on avait dressé le camp ; c'était à l'entrée du détroit des montagnes, en un lieu appelé en langue mongole, source des eaux ; nous fîmes onze ou douze lieues de marche ce jour-là, à cause du grand détour que la chasse nous obligea de prendre, les équipages en firent beaucoup moins. Lorsqu'on fut arrivé au camp, l'empereur fit punir deux de ces hias qu'on avait saisi par son ordre, pour avoir laissé sortir les chèvres jaunes de l'enceinte par leur négligence ; on leur donna à chacun cent coups de fouet ; c’est une punition ordinaire aux Tartares, à laquelle il n'y a aucune infamie attachée ; l'empereur leur laissa leurs charges, et les exhorta à réparer leur faute par une plus grande application à leur devoir. Pour le troisième, qui était plus coupable, parce qu'il avait quitté son poste pour courir après une de ces chèvres, et qu'il avait tiré dans l'enceinte même à la vue de l'empereur, il fut cassé de son emploi ; plusieurs autres avaient aussi tiré dans l'enceinte après les chèvres, mais sans quitter leur poste ; on avait ramassé leurs flèches, sur lesquelles étaient leurs noms, et l'on apporta toutes ces flèches à l'empereur, qui leur pardonna leur faute. Le 5 nous rentrâmes dans les montagnes, où en chemin faisant on chassa dans diverses enceintes ; on tua plusieurs chevreuils et quelques cerfs ; on en aurait tué bien davantage, sans la rencontre qu'on fit d'un tigre ; l'empereur s'attacha à cette chasse, qui le divertit fort. Le tigre était couché sur le penchant d'une montagne fort escarpée dans des broussailles ; lorsqu'il entendit le bruit des chasseurs qui passèrent assez près de lui, il jeta des cris qui le firent connaître. Aussitôt on vint avertir l'empereur qu'on avait découvert un tigre ; c’est un ordre donné pour toujours, que quand on découvre un de ces animaux, on poste des gens pour l'observer, tandis que d'autres vont en avertir l'empereur, qui abandonne ordinairement toute autre chasse pour celle-là. Sa Majesté vint aussitôt proche du lieu où était le tigre ; on chercha un poste commode d'où on pût le tirer sans danger ; car cette chasse est périlleuse, et il faut prendre bien des précautions pour ne pas exposer les chasseurs à être mis en pièces par cet animal ; voici comme on s'y prend. Quand on sait le lieu où il gîte, on examine par quel endroit il est probable qu'il se retirera lorsqu'on le fera lever, il ne descend presque jamais dans la vallée, mais il marche le long du penchant des montagnes. S'il y a un bois voisin il s'y retire ; il ne va jamais loin, tout au plus il traverse une montagne, et va se cacher de l'autre côté ; on poste des piqueurs avec des demies piques armées d'un fer fort large, dans les endroits où l'on croit qu'il prendra son chemin, et on les place par pelotons sur le sommet des montagnes ; on y pose aussi des gardes à cheval pour observer la remise.