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ne boivent jamais que dans leurs coupes, on fut attentif à prendre celle du Grand lama kalka, qui était blanche comme de la fine porcelaine, avec un petit pied assez semblable à celui de nos verres. Quand on eut achevé de boire le thé, ce qui dura longtemps, à cause de la multitude des taikis, et des lamas kalkas, on découvrit les tables, et on servit le vin avec les mêmes cérémonies qu'on avait fait le thé. On apporta premièrement un vase d'or, moins grand que celui dans lequel on avait apporté le thé, et on en versa pour l'empereur dans une petite tasse d'or, puis on apporta une espèce de cuvette d'or pleine de vin, et on le tirait avec une grande cuiller d'or, pour le verser dans de petites coupes. L'empereur donna de sa main le vin au Grand lama, puis aux trois empereurs kalkas, et ensuite à une vingtaine des principaux taikis. Lorsqu'ils étaient près de l'empereur, ils se mettaient à genoux pour recevoir la coupe de ses mains, et la tenant d'une main, ils frappaient de la tête contre terre ; ils en faisaient autant après avoir bu, et se retiraient en leurs places. L'empereur ayant donné le vin de sa main aux plus considérables, les officiers du gobelet revêtus de leurs habits de cérémonies et conduits par les officiers du Tribunal des Mongous, en servirent à tous les taikis, lamas, etc. Comme il était près de midi, et que l'empereur m'avait ordonné de prendre la hauteur méridienne du soleil, afin de découvrir la hauteur du pôle de ce lieu là, je sortis doucement de l'assemblée, et j'allai faire mon observation. Je trouvai ce jour-là 29 mai la hauteur apparente du soleil à midi de 69 degrés 50 minutes. Le temps était fort serein, et je vis le soleil parcourir deux fois tout le filet de la lunette, sans monter ni baisser. Je retournai ensuite voir la cérémonie du banquet, et je trouvai qu'on n'avait pas encore achevé de servir le vin à tous les taikis kalkas. Cependant on avait fait venir des danseurs de corde, qui firent plusieurs tours de souplesse sur un bambou dressé en manière de corde ; ce bambou était soutenu seulement par des hommes, et n'était élevé de terre que de cinq ou six pieds ; je ne vis rien d'extraordinaire, excepté l'un deux qui monta sur un bambou assez haut, et élevé perpendiculairement ; après être monté jusqu'au haut, avec beaucoup de souplesse, il fit plusieurs tours sur la pointe du bambou, se renversant le corps, et se retournant en mille façons ; ce qui me parut plus difficile, c’est que tenant la pointe du bambou d'une seule main, il éleva les pieds et tout le corps en l'air, et se tint ainsi perpendiculairement élevé sur la pointe du bambou pendant quelque temps. Les danseurs de corde ayant fini leur rôle, on fit venir des marionnettes, qui jouèrent quelque temps, à peu près comme on les fait jouer en Europe. Les pauvres Kalkas qui n'avaient jamais rien vu de semblable, étaient tellement surpris, qu'ils ne songeaient pas la plupart à manger. Il n'y avait que le Grand lama qui gardait sa gravité, car non seulement il ne toucha pas aux viandes, mais même il s'attacha peu à regarder ces tours de souplesse, et comme s'il eût jugé que c'étaient-là des amusements indignes de sa profession, il demeura la plupart du temps les yeux baissés, avec un air fort sérieux.