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Après cette première enceinte, on en alla faire une seconde sur des penchants de montagnes. Comme ils n'étaient pas si rudes que les premiers, on demeura à cheval, et les deux chevreuils qui s'y trouvèrent enfermés, furent tous deux tués de la main de l'empereur en trois coups de flèche. Sa Majesté tira toutes les trois fois en courant à toute bride après ces chevreuils, qui fuyaient de toutes leurs forces. J'eus le plaisir de voir l'empereur courir hardiment bride abattue, aussi bien en montant qu'en descendant par des pentes fort roides, et tirer de l'arc avec une force, et une adresse extraordinaire. Ensuite l'empereur fit étendre les chasseurs et tous les gens de sa suite sur deux ailes, et nous marchâmes dans cet ordre jusqu'à notre camp, faisant encore une espèce d'enceinte mouvante qui battait la campagne. C'était pour chasser au lièvre que Sa Majesté fit ranger ainsi ses gens. En effet, il en tira plusieurs ; tout le monde avait soin de détourner les lièvres vers lui, et il n'était permis qu'à ses deux fils de tirer dans l'enceinte ; on pouvait seulement tirer au dehors, s'il arrivait que le gibier en sortît, ce que néanmoins chacun tâchait d'empêcher de son mieux, parce que si quelqu'un en laissait sortir par sa négligence, il était rigoureusement puni. Quand nous fûmes de retour au camp, l'empereur me fit demander ce que je pensais de cette manière de chasser, et si on chassait de même en Europe. Du compliment que je lui fis sur ce que j'avais vu de son adresse, tant à dresser et ordonner lui-même la chasse, qu'à tirer du fusil et de l'arc, à pied et à cheval, rien ne parut lui être plus agréable que ce que j'ajoutai que j'avais été surpris de lui voir lasser cinq ou six chevaux, et courir sans cesse sans marquer aucune lassitude ; que j'étais au comble de la joie de le voir si plein de force et de santé, pour la conservation de laquelle je prierais Dieu tous les jours de ma vie. Ce même soir après un grand vent de sud, qui avait tout rempli de poussière, le temps se couvrit. L'empereur que la seule espérance de la pluie avait mis de belle humeur, sortit de sa tente ; et pour se divertir, il prit lui-même une grande perche, et commença à secouer la poussière attachée à la toile qui couvrait les tentes. Tous ses gens prirent aussi chacun une perche, et donnèrent sur les toiles. Comme j'étais présent, je fis aussi la même chose, pour n'être pas le seul à ne rien faire. L'empereur qui le remarqua, dit le soir à ses gens, que les Européens n'étaient pas glorieux, et il leur rapporta ce qu'il m'avait vu faire. On me dit aussi qu'il avait parlé de moi en des termes pleins d'une bonté, qui tenait de la tendresse. Il me fit demander pourquoi il ne venait pas ici de bons fusils, puisqu'il y en avait de si excellents en Europe ; je répondis que les négociants n'apportaient d'ordinaire que des marchandises de cargaison, et que pour nous autres qui étions religieux, notre profession ne nous permettait pas de connaître, ni de porter des armes. Mais qu'il y avait de l'apparence que le père Grimaldi sachant le goût de Sa Majesté, ne manquerait pas d'en apporter pour les lui offrir. Ce soir-