Page:Du halde description de la chine volume 4.djvu/308

Cette page n’a pas encore été corrigée

un grand nombre de lanternes allumées autour de tous les appartements, excepté de celui des femmes. Le 20 nous allâmes à la maison de plaisance de l'empereur, et nous lui expliquâmes quelques difficultés, dont il voulut être éclairci sur des calculs, de même que les usages d'une règle et d'une sphère, que l'un des Grands de la cour lui avait donnée ; il nous fit dîner dans sa propre chambre, tandis qu'il dînait lui-même dans un appartement voisin, d'où il nous envoya des mets de sa table dans de la vaisselle d'or et d'argent ; après quoi il nous ordonna de mettre la philosophie en tartare, sans nous arrêter à la traduction chinoise de celle que le père Verbiest lui offrit un peu avant sa mort. Il nous abandonna le choix de l'arrangement des matières, souhaitant que nous composassions cette philosophie suivant notre idée, ainsi que nous avions fait la géométrie et les éléments d'Euclide. Il témoigna assez par là, combien il était content de notre ouvrage ; il ordonna de plus qu'outre les deux mandarins auxquels nous dictions, et les deux écrivains qui transcrivaient au net ce que nous avions dicté, l'on nous donnât encore deux autres écrivains pour travailler sous nous. Ce même jour Sa Majesté ayant su que nous désirions faire l'anatomie d'un des tigres de ce pays-ci, qui sont plus grands, et fort différents de ceux que l'on voit en Europe, il nous en envoya un, et nous fit dire que leur coutume était d'enterrer les os et la tête de ces animaux ; il nous ajouta même, qu'en enterrant ces os, ils avaient soin de tourner la tête du côté du nord. On assure que ce n'est point par superstition qu'ils observent cet usage, mais par une espèce de crainte respectueuse qu'ils ont pour ces animaux, qui pendant leur vie se rendent redoutables, non seulement aux autres animaux, mais encore aux hommes mêmes. En effet les Portugais de Macao ayant fait présent d'un lion à l'empereur, par le dernier ambassadeur portugais qui est venu en cette cour, et le lion étant mort peu de temps après qu'il fut à Peking, Sa Majesté le fît enterrer honorablement, et fît mettre un beau marbre sur son tombeau avec une épitaphe, comme on fait aux mandarins de considération. On dit que le ventre de ces tigres est un excellent remède pour ceux qui ont du dégoût de toutes sortes de viandes, et on leur attribue beaucoup d'autres vertus. Les os qui sont aux jointures des genoux des jambes de devant, servent, dit-on, à fortifier ceux qui ont les jambes faibles ; les os de l'épine du dos sont aussi médicinaux, et les Tartares, de même que les Chinois, trouvent la chair de cet animal excellente au goût ; en effet plusieurs personnes vinrent nous demander les uns de la chair, les autres des os de ce tigre, avant même que nous eussions commencé à le disséquer. Ce que nous trouvâmes de particulier, c’est qu'il avait quantité de petits vers rougeâtres dans le gosier et dans l'estomac ; il avait pour le moins un doigt de graisse entre la peau et la chair. Le 25 l'empereur retourna en son palais de Peking, après avoir passé trois ou quatre jours dans son parc des daims nommé Hai tseë. Le 28 qui était