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le retour du père Grimaldi, il eût à déclarer que le principal motif de son voyage à Canton était de ramener ce Père à la cour. Le 25, le père Suarez prit congé de l'empereur : — Je n'ai rien à vous commander, lui dit ce prince, je connais votre zèle ; et je sais que vous êtes religieux ; c'est pourquoi je fuis sûr que vous vous comporterez toujours avec prudence et sagesse ; il le chargea ensuite de lui acheter quelque bon fusil, et des instruments de mathématiques venus d'Europe. Le second de janvier mil six cent quatre-vingt onze, l'empereur partit pour aller à la chasse dans les montagnes qui sont proches de la sépulture de son aïeule, où il devait se rendre le dix-neuf, pour y achever la cérémonie du deuil, qui finissait vers ce temps-là, car il y avait trois ans qu'elle était décédée. Sa Majesté termina à loisir avant que de partir, le procès qu'on avait intenté à ses deux frères et aux officiers généraux qui se sont trouvés à la bataille du mois de septembre contre les Eluths ; car c'est la coutume parmi les Tartares de faire le procès aux généraux d'armée qui n'ont point réussi dans la guerre. Quoique l'armée de l'empereur eût eu l'avantage, et que le roi d'Eluth eût pris la fuite, on ne laissa pas d'être mal content de ce qu'on n'avait pas pris ou tué ce prince, et défait entièrement ses troupes. A la vérité la chose était aisée à faire, vu l'inégalité des deux armées ; car celle de l'empereur était du moins quatre ou cinq fois plus nombreuse que celle du roi d'Eluth. On en rejetait la faute sur le frère aîné de l'empereur, qui était généralissime de l'armée ; mais on n'en devait pas être surpris, ce prince ne s'était jamais trouvé à aucune guerre, et il manquait d'expérience ; d'ailleurs il craignait de trop exposer les troupes de l'empereur, dont la déroute aurait pu avoir de fâcheuses suites ; c’est ce qui le porta à se retirer avec un peu de précipitation, lorsqu'il vit que les Eluths faisaient tête et se défendaient courageusement ; en sorte que si ceux-ci eussent su profiter de la conjoncture présente, l'armée de l'empereur aurait couru grand risque d'être défaite. Quoiqu'il en soit, Sa Majesté, pour témoigner le peu de satisfaction qu'elle avait des officiers-généraux de l'armée, et principalement de son frère aîné, non seulement les laissa camper dans les montagnes de Tartarie près de trois mois après la retraite des Eluths, ne leur laissant que quatre ou cinq cents chevaux, et faisant revenir le reste de l'armée, mais encore lorsque son frère aîné retourna à Peking il ne lui permit d'entrer dans la ville, qu'après l'avoir fait interroger juridiquement sur sa conduite. Le frère aîné de l'empereur répondit qu'il avait donné bataille à l'armée du roi d'Eluth, aussitôt qu'il l'avait rencontré, mais que l'armée ennemie s'étant portée dans un lieu avantageux, et ayant devant soi un marécage, il n'avait pas jugé à propos d'exposer l'armée impériale ; que cependant tout l'avantage du combat lui était demeuré, et qu'enfin le roi d'Eluth avait pris la fuite ; qu'au reste s'il y avait eu de sa faute, on ne devait s'en prendre qu'à lui, puisqu'il était généralissime, et que si on le jugeait coupable, il se soumettait au châtiment qu'il plairait à Sa Majesté de lui imposer. Si les officiers