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de passer le Saghalien ou la, et c’est pour les arrêter au-delà, que la ville de Aykom fut bâtie sous Yung lo.

Il paraît qu’elle se soutint assez longtemps, puisque ce ne fut que vingt ans après que les Tartares s’étant rétablis, et étant rentrés dans leur ancien pays, tentèrent de se venger des Chinois, par des irruptions subites sur leurs terres, et par la désolation des provinces boréales : s’ils furent défaits, ou plutôt accablés par l’armée comme infinie de l’empereur Suen ti, ils ne laissèrent pas de se maintenir dans leur pays ; les généraux chinois n’ayant pas su ou voulu profiter d’une si grande victoire, pour les obliger à repasser le Saghalien ou la et y rebâtir Aykom.

Ce nom est connu également des Chinois et des Tartares : et plusieurs même à Peking le donnent à la nouvelle ville, quoiqu’elle ne soit pas bâtie dans le même lieu ; mais on doit l’appeler Saghalien ou la hotun : c’est-à-dire, la ville du fleuve Noir, puisqu’on la nomme ainsi dans tous les actes publics, et dans les ordres qu’on expédie aux gouverneurs de ces quartiers. De cette ville dépend en effet tout ce que les Mantcheoux possèdent sur ce fleuve ; il n’y a qu’un nombre assez petit de villages, et une longue suite de déserts très vastes et pleins de bois, qui font un pays bon pour la chasse des martres zibelines, dont les Moscovites de Niptchou se seraient enfin rendus les maîtres, si la ville de Yacsa, qu’ils avaient bâtie à quelques journées de l’ancien Aykom en remontant le Saghalien avait subsisté ; mais dans le traité de paix de 1689, il fut conclu qu’elle serait démolie, pour ôter par là tout ombrage et tout sujet de querelles aux chasseurs des Tartares de ce pays. Ils font bonne garde, ils ont des vedettes fort avancées, et un nombre de barques armées sur le Saghalien ou la.

Dans ce fleuve entrent quelques rivières telles que Song pira, Corsin pira, etc., qui sont considérables par la pêche des perles. Les pêcheurs n’y font pas beaucoup de façons. Comme l’eau dans ces petites rivières n’est pas grande, ils s’y jettent sans contrainte, et prenant au hasard tout ce qu’ils rencontrent d’huîtres, ils ressautent sur le rivage.

Ils disent qu’on n’en trouve point dans le fleuve même ; mais c’est apparemment qu’ils n’ont osé plonger dans une eau si profonde, comme nous l’avons appris de leurs mandarins. Ils en pêchent aussi dans d’autres petites rivières qui se jettent dans Nonni ou la et dans Songari, telles que font Arom, Nemer, qu’on trouve sur le chemin de Tçitcicar à Merguen : mais dans toutes celles qui sont à l’ouest de Saghalien ou la hotun, en remontant le fleuve vers les terres des Moscovites, ils assurent qu’ils n’ont jamais pu en trouver.

Les perles ont ainsi leurs limites, et ne se prodiguent point à toutes sortes d’eaux : elles sont fort louées par les Tartares, et ne seraient apparemment estimées que médiocrement par nos connaisseurs, à cause du défaut de couleur et de figure. L’empereur en a des chapelets, chacun au nombre de cent et davantage, d’assez grosses, et toutes semblables ; mais elles sont choisies entre mille : car tout ce qu’on en pêche depuis tant d’années, n’appartient qu’à lui.