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pour cette raison qu'il nous traitait avec tant de familiarité, nous faisant venir tous les jours en sa présence ; que nonobstant cela, il nous fallait être très réservés au dehors ; qu'en sa présence il n'y avait nul danger que nous parlassions à cœur ouvert, puisqu'il nous connaissait à fond. — Il y a trois sortes de nations dans mon empire, ajouta-t-il, les Mantcheoux vous aiment et vous estiment aussi bien que moi, mais les Chinois et les Mongous ne sauraient vous souffrir. Vous savez ce qui arriva au père Adam sur la fin de ses jours, et au père Verbiest dans sa jeunesse ; il faut toujours craindre qu'il ne se trouve des imposteurs semblables à Yang quang sien. Ainsi il est bon d'être sur ses gardes. Enfin il nous fit dire de ne rien traduire de nos sciences dans le Tribunal où nous étions, mais seulement dans notre maison ; que cet avis qu'il nous faisait donner n'était qu'une précaution, et que nous ne devions pas craindre d'y avoir donné occasion par quelque faute, ou par quelque indiscrétion, puisqu'il était tout à fait content de nous. Nous ne pûmes deviner quelle raison portait Sa Majesté à nous faire donner cet avis, car il vint incontinent après trouver les Pères avec un air aussi riant, et aussi ouvert que jamais, et demeura fort longtemps avec eux. Nous jugeâmes seulement que comme ce prince est grand politique, il ne souhaitait pas que nous nous fissions de fête de ce qu'il se familiarisait si fort avec nous, de peur que ses bontés ne donnassent lieu à quelques murmures contre sa personne, du moins qu'elles n'excitassent de la jalousie contre nous ; quoiqu'il en soit, les Pères le remercièrent de cet avis, comme d'un témoignage de bonté vraiment paternelle. Le 21 il arriva en cette ville une caravane de Tartares Eluths et de Mores, qui sont voisins de ces Eluths, et qui venaient y trafiquer ; il y avait parmi eux deux Moscovites et un Lithuanien, qui nous vint voir deux fois ; il nous apprit qu'un envoyé des plénipotentiaires de Moscovie qui venait en cette cour, accompagné de cent hommes, par la route de Kalka, avait été massacré lui et les siens par les Tartares de Kalka qui les ayant séparés les uns des autres, sous prétexte de vouloir faire quelque trafic avec eux, les avaient ensuite tous mis à mort. Le 26 l'empereur alla à sa maison de plaisance, et de là à son parc des cerfs, où il fit en présence des Grands de sa cour une bonne partie des pratiques de géométrie que nous lui avions apprises ; puis il nous envoya ordre de travailler à remettre quelque chose de la philosophie par écrit, et il nous insinua qu'il n'y avait qu'à achever ce que nous avions commencé, mais qu'il fallait que ce fût dans notre maison, et sans le communiquer à personne. Le cinquième de mars l'empereur retourna à Peking. Le 7 il envoya ordre de venir le lendemain, avec ce que nous avions écrit en tartare, et d'apporter aussi quelques propositions d'Euclide expliquées en tartare ; comme nous ne sûmes son intention que le soir, nous ne pûmes préparer que la première, et mettre au net ce que nous avions fait de la nutrition.