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j'ajoutai que la plus grande difficulté que nous avions, était de prendre le ton et l'accent tartare, parce que nous étions trop accoutumés à l'accent des langues européennes. — Vous avez raison, répondit l'empereur, l'accent sera difficile à changer ; il nous demanda ensuite si nous croyons que la philosophie se pût mettre en tartare ; nous répondîmes que nous espérions y réussir quand nous saurions bien la langue ; que même nous en avions fait l'épreuve, et que nous avions bien fait entendre notre pensée à ceux qui nous enseignaient la langue. L'empereur ayant connu par cet entretien, que nous en avions fait par écrit une ébauche, et que cet écrit était dans le Tribunal où nous étudions, il ordonna à un de ses eunuques de sa présence de l'aller chercher avec moi ; quand je l'eus apporté, il nous fit approcher près de sa personne, prit notre papier qui était sur la digestion, sur la sanguification, sur la nutrition, et sur la circulation du sang ; il n'était pas encore achevé, mais nous avions fait tracer des figures, pour rendre la matière plus intelligible. Il les considéra fort, surtout celles de l'estomac, du cœur, des viscères, des veines, et les compara avec celles d'un livre chinois qu'il se fit apporter, et qui traite de ces matières, et il y trouva beaucoup de rapport. Il lut ensuite notre écrit d'un bout à l'autre, et en loua la doctrine, qu'il dit être fort subtile ; après quoi il nous exhorta fort à ne rien omettre pour nous perfectionner dans la langue. Il répéta plusieurs fois que la philosophie était une chose extrêmement nécessaire, puis il continua ses explications de géométrie pratique avec le père Thomas. Après plus de deux heures d'entretien, Tchao laoyé lui présenta de ma part un compas d'environ quatre pouces de longueur, accompagné de trois ou quatre pièces qui se mettent à une des jambes, que Sa Majesté avait paru souhaiter. Il l'accepta, et m'en fit donner un fort grand fort bon, avec toutes ses pièces, et une mesure d'une brasse chinoise sur un cordon de soie, divisée en pouces et en lignes, le tout dans une boîte ou étui, revêtu de brocard et de taffetas jaune en dedans et en dehors. Les jours suivants nous recommençâmes à aller au palais comme auparavant. Le 17 Tchao laoyé et un eunuque de la présence, furent chargés par l'empereur de dire aux pères Pereira et Thomas, qui l'attendaient selon leur coutume dans l'appartement d'Yang sin tien, que nous devions être sur nos gardes en parlant de nos sciences, et de ce qui nous regardait, surtout avec les Chinois et les Mongous, qui ne nous voient pas volontiers dans ce pays-ci, parce qu'ils ont leurs bonzes et leurs lamas, auxquels ils sont très attachés ; que Sa Majesté nous connaissait parfaitement ; qu'elle se fiait tout à fait à nous, et nous traitait comme ses plus intimes domestiques ; qu'ayant fait examiner notre conduite, non seulement à la cour, où il avait fait exprès demeurer des gens dans notre maison pour nous y observer, mais encore dans les provinces, où il avait envoyé des personnes affidées exprès, pour s'informer de quelle manière nos Pères s'y comportaient, il n'avait pas trouvé la moindre chose à redire dans notre conduite ; que c'était