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fond de laquelle il y a une grande plate-forme, environnée de trois rangs de balustrades de marbre blanc l'un sur l'autre. Sur cette plate-forme était autrefois une salle impériale, appelée la salle de la concorde ; c'était là qu'était le plus superbe trône de l'empereur, et où Sa Majesté recevait les respects des Grands et de tous les officiers de la cour. On y voit encore deux petits carrés de pierres rangés de distance en distance, qui déterminent jusqu'où les mandarins de chaque ordre doivent s'avancer. Cette salle fut brûlée il y a quelques années. Quoiqu'il y ait longtemps qu'on a assigné un million de taëls, c'est-à-dire, environ huit millions de livres (monnaie de France) pour la rétablir, on n'a pas encore commencé à le faire, parce qu'on n'a pu trouver des bois de la grosseur dont étaient les précédents, et il faut les faire venir de trois ou quatre cents lieues. Sur quoi je remarquerai en passant que les Chinois sont tellement attachés à leurs anciens usages, que rien n'est capable de les faire changer. Ils ont, par exemple, de très beau marbre blanc qui ne leur vient que de douze ou quinze lieues de Peking ; ils en tirent même des masses d'une grandeur énorme, pour l'ornement de leurs sépulcres, et il y en a de très grandes et de très grosses colonnes dans quelques cours du palais, cependant ils ne se servent nullement de ces marbres pour bâtir leurs maisons, ni même pour le pavé des salles du palais ; ils y emploient de grands carreaux de brique, lesquels à la vérité sont si bien frottés et si luisants, que je les pris pour du marbre la première fois que je les vis. Toutes les colonnes des bâtiments du palais sont seulement de bois, sans être relevées par d'autres ornements que par le vernis ; ils ne font aussi des voûtes que sous les portes et sous les ponts ; toutes les murailles sont de briques ; les portes sont couvertes de vernis vert qui est fort agréable à la vue ; les toits sont pareillement de brique, qu'ils enduisent d'un vernis jaune ; les murailles en dehors sont crépies en couleur rouge, ou de brique polie et fort égale ; et en dedans elles sont simplement tapissées de papier blanc, que les Chinois savent coller avec beaucoup d'adresse. Après avoir traversé cette cinquième cour, qui est extrêmement vaste, nous entrâmes dans la sixième, qui est celle des cuisines, où tous les hias ou gardes du corps et autres officiers de la maison de l'empereur, c'est-à-dire, ceux qui passent proprement pour ses domestiques, attendaient Sa Majesté, afin de l'accompagner lorsqu'elle irait recevoir les respects des princes et des Grands de l'empire ; nous demeurâmes à la porte de cette sixième cour, attendant que l'empereur eût donné son audience de cérémonie. Lorsqu'il en sortit pour aller dans la salle de la quatrième, où étaient les régulos et les grands titulaires de l'empire, nous allâmes l'attendre dans la cinquième cour ; après les audiences finies, il retourna non pas par la porte du milieu par laquelle il était venu, mais par celle d'une des ailes, et passa fort proche du lieu où nous étions debout. Sa Majesté était vêtue d'une veste