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la langue, ni chinoise, ni tartare, pour pouvoir parler à propos, surtout en matière de sciences, ne sachant pas même les termes chinois ni tartares qui lui conviennent ; mais je lui dis que quand nous aurions bien appris le tartare, le père Bouvet et moi, nous pourrions lui faire des leçons de mathématiques ou de philosophie d'une manière fort claire et fort nette, parce que la langue tartare surpasse de beaucoup la langue chinoise, en ce que celle-ci n'a ni conjugaisons, ni déclinaisons, ni particules pour lier les discours, au lieu que dans celle-là elles sont fort communes. L'empereur parut prendre plaisir à ce discours, et se tournant du côté de ceux qui l'environnaient : — Cela est vrai, leur dit-il, et ce défaut rend la langue chinoise beaucoup plus difficile que la tartare. Comme nous étions sur le point de nous retirer, l'empereur ordonna à Tchao laoyé, qui était présent, de se faire expliquer clairement ce que nous avions à lui dire, parce qu'il avait souvent de la peine à entendre notre langage. Le 18 nous retournâmes encore tous les quatre au palais, où l'on expliqua quelques pratiques de géométrie à Tchao laoyé. Sur le soir Sa Majesté nous envoya plusieurs mets de sa table, et entr'autres un fort beau poisson venu de Leao tong de très excellent goût ; il était de la même espèce que ceux que nous pêchâmes dans la rivière de Kerlon lorsque nous allions à Niptchou ; comme Sa Majesté était fort occupée ce jour-là, elle nous renvoya de meilleure heure à la maison. Le 19 étant allés comme les jours précédents au palais, Sa Majesté vint dans l'appartement d'Yang tsin tien, où nous étions ; il s'arrêta d'abord à faire glisser quelques-uns de ses gens sur la neige qu'on avait préparée exprès ; ensuite il alla à l'atelier des peintres, et enfin il vint dans la chambre où nous étions ; il fut avec nous assez longtemps, et se fit expliquer, comme auparavant, des pratiques de géométrie, et les usages d'un astrolabe que le père Verbiest lui avait fait faire ; il paraissait se faire un honneur auprès de nous, et auprès de ses gens même d'entendre ces sciences, et de comprendre ce qu'on lui expliquait. Le 10 l'empereur vint encore à Yang tsin tien, et y demeura plus de trois heures avec nous, il nous avait envoyé des mets de sa table, entr'autres d'une espèce de crème aigre qui est fort estimée parmi les Tartares, et il eut la bonté de nous faire dire, que sachant qu'elle était de notre goût, il n'avait pas mangé celle qu'on lui avait servie, et qu'il nous l'avait réservée. Ce jour-là Sa Majesté nous témoigna encore plus de bonté, et se familiarisa davantage avec nous que les précédents. Il me fit beaucoup de questions, et me dit des choses fort obligeantes ; il parut surpris de ce qu'en si peu de temps j'étais si fort avancé dans la langue tartare, surtout demeurant dans une maison où il n'y a personne qui parle cette langue. Sur ce que je lui dis que le dernier voyage en Tartarie m'avait beaucoup servi, il me répliqua, que quand il y aurait lieu d'en faire quelqu'autre, il se servirait de moi. Ensuite après avoir encore pris avec nous plusieurs distances et élévations, il me demanda quelles étaient les connaissances du père