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toutes les façons, et de toutes les grosseurs ; les uns d'agate, les autres de porphyre, quelques-uns de jaspe, quelques autres de cristal de roche : tous ne sont composés que de lettres, et sur la plupart, il n'y a que des caractères chinois. J'en vis seulement un grand qui était dans les deux langues ; voici les mots qui étaient écrits en tartare, ontcho coro tche tchenneacou jabonny parpeii, c'est-à-dire, le joyau ou le sceau des actions grandes, étendues et sans bornes ; sur quelques-uns il y avait aussi une espèce de cartouche fermé par deux dragons, qui renfermaient la lettre du sceau. Dans cette même salle on voyait un atelier d'ouvriers, qui ne sont occupés qu'à travailler en carton : ils sont ces sortes d'ouvrages avec une propreté qui surprend. Ce jour-là Sa Majesté nous envoya plusieurs mets de sa table, il nous fit ensuite appeler en sa présence dans l'appartement où nous le vîmes la première fois qu'il nous donna audience. Ce lieu s'appelle Kien tsing cong et est semblable à celui du Yang tsin tien mais la disposition en est néanmoins plus propre ; aussi est-ce celui où Sa Majesté fait son séjour ordinaire ; il était dans une chambre qui est à droite de la salle. Cette chambre est remplie de livres, placés et rangés dans des armoires, qui ne sont couvertes que d'un crêpe violet. L'empereur nous demanda en entrant si nous nous portions bien ; et après que nous l'eûmes remercié de cet honneur, en nous prosternant jusqu'à terre selon la coutume, il s'adressa à moi, et me demanda si j'avais beaucoup appris de tartare, et si j'entendais les livres écrits en cette langue ; je lui répondis en tartare même, que j'avais appris un peu de cette langue, et que j'entendais passablement les livres d'histoire, que j'avais lus ; Sa Majesté se tourna vers ses gens : — Il parle bien, dit-elle, il a l'accent bon. Ensuite il nous fit avancer proche de sa personne, et il commença par me demander l'explication d'un demi-cercle que monseigneur le duc du Maine eut la bonté de nous donner lorsque nous partîmes de France, et que je présentai ce jour-là à Sa Majesté. Je lui en expliquai les divers usages ; il voulut savoir jusqu'à la manière de diviser les degrés en minutes, et par les cercles concentriques et les transversales ; il admira et loua fort la justesse de cet instrument, et il témoigna vouloir connaître les lettres et les nombres européens, afin de pouvoir s'en servir lui-même. Après quoi il prit ses compas de proportion, dont il se fit expliquer quelque chose, et après nous avoir entretenu près d'une heure, mesurant lui-même avec nous les distances de ces élévations, marchant et agissant aussi familièrement que pourrait faire un père avec ses enfants, il nous renvoya, en nous ordonnant de revenir le lendemain. Le 17 Sa Majesté nous fit appeler de fort bonne heure au palais ; nous demeurâmes en sa présence plus de deux heures à lui expliquer différentes pratiques de géométrie ; il nous parla toujours avec beaucoup de bonté et de familiarité ; il se fit répéter l'usage de plusieurs instruments que le père Verbiest lui avait autrefois fait faire. Je lui parlai toujours en tartare, mais je ne voulus pas entreprendre de faire des explications de mathématiques ; je m'en excusai auprès de Sa Majesté, sur ce que je ne savais pas assez bien