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est la moindre, parce qu’elle n’a pas une juridiction égale à celle des trois autres, mais d’ailleurs est plus agréable, parce qu’elle est située dans une plaine plus fertile et plus habitée.

Rien au reste n’est plus célèbre dans l’histoire des Mantcheoux que le Songa ri ou la, et la montagne d’où il sort, nommée en tartare Chanyen alin, et en chinois Tchang pé chan, la montagne toujours blanche : d’où ils prétendent tirer leur origine, qu’ils mêlent de plusieurs circonstances fabuleuses. Car tel a toujours été le génie des nations illustres, de trouver quelque chose de merveilleux dans leur premier commencement, et de se prétendre descendus d’aïeuls presqu’au-dessus de la condition humaine.

Ce qu’il y a de vrai, c’est que les Mantcheoux n’ont dans tout ce qu’ils ont alors occupé de terres, aucune rivière qui puisse se comparer avec le Son ga ri ou la. Elle est partout vaste et profonde, partout navigable et féconde en poissons, nullement dangereuse, médiocrement rapide, même dans son confluent avec le Saghalien ou la, ainsi que nous l’avons remarqué sur le lieu.

La montagne qui lui donne naissance est aussi la plus fameuse de toute cette Tartarie orientale ; elle s’élève de beaucoup au-dessus de toutes les autres et se fait voir de fort loin. La moitié de cette montagne est couverte de bois : l’autre est découverte et n’est que de tuf : ce qui la fait paraître blanchâtre en tout temps : ce n’est donc point la neige qui la rend blanche, comme l’ont imaginé les Chinois, car il n’y en a jamais, au moins en été.

Sur le sommet s’élèvent cinq rochers comme autant de troncs pyramidaux extraordinairement hauts, sur lesquels les vapeurs et les brouillards, qui sont perpétuels dans le pays, venant à se condenser, distillent ensuite une eau dont ils sont toujours humides. Ils enferment dans leur milieu un lac creusé fort profond d’où sort la belle fontaine qui forme le Son ga ri. Les Mantcheoux pour rendre cette montagne plus merveilleuse, disent ordinairement qu’elle produit trois grands fleuves, Tou men oula que nous avons déjà décrit. Ya lou ou la, Cihou oula, lesquels après avoir côtoyé les limites de la Corée, se réunissent ensemble pour entrer dans la mer de ce royaume.

Mais cela même n’est pas exactement vrai, comme on verra par la carte, et on ne peut attribuer l’origine de tous ces fleuves au Tchang pe chan, qu’en comprenant aussi les montagnes voisines, qui de ce côté-là séparent le royaume de Corée de l’ancien pays des Mantcheoux, lequel fait aujourd’hui partie du gouvernement de Kirin ou la.